Ⅰ) Chapitre 7 -Prototype-

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06 juin 1988.

Mon corps s'étend dans les hautes herbes. Je serre Mike dans les bras, la vue pointée vers le haut, je divague dans le ciel. Je l'accable de mille caresses, sachant que je ne pourrais plus le tenir ainsi plus tard. Il sera gigantesque ! Comme tous les autres chiens de garde, sa taille sera semblable à celle d'un éléphant. Je songe à mes aventures. Depuis que je travaille pour Hisoka, les choses sont plus faciles. À chaque mission qu'il me donne, j'en apprends sur lui, sur le monde qui m'entoure, mais aussi sur moi, sur mes capacités. Je peux tuer, mais aussi manipuler plusieurs personnes en même temps, ce qui l'aide beaucoup dans ses tâches. Je ne sais pas vraiment quels sont ses buts, mais ça m'est égal, je fais juste mon travail. Aujourd'hui, on est le 06 juin, c'est son anniversaire. J'échappe un petit rire silencieux en pensant à nos retrouvailles à l'hôpital. C'était à cette place qu'on a fait ce fameux pacte. Je dépose délicatement mon chiot et me lève pour me préparer du thé. Je me stoppe soudainement dans le couloir à l'entente de mon nom.

Illumi est une clé essentielle je te le dis !

Je masque mon Nen et prête oreille à leur discussion :

Et en quoi ? C'est un danger, je ne veux rien avoir avec cet enfant après le meurtre qu'il a engendré. Écoutes. L'homme que j'ai engagé était de rang A : il s'est fait massacrer, il avait plusieurs trous dans le corps, on voyait même ses tripes sortir. Il est mort abominablement. C'est trop tard pour lui, on l'a éduqué si durement, le Nen qu'il dégage prend une forme de plus en plus malsaine, maintenant c'est impossible de faire marche arrière. J'ai hésité à le vendre au marché noir, mais tu as dit qu'on devrait encore l'utiliser pour l'avenir de la famille.

Pense au moins à Killua, ce sera l'héritier de notre famille, on a enfin réussi à trouver ce point d'équilibre en délaissant durement Illumi, et en gâtant Milluki, il aura une éducation parfaite.

Et après qu'est-ce qu'on fera de lui ?

Il sera toujours indispensable pour l'éducation de Killua, sur ce point on peut le lui faire confiance, je t'assure.

D'accord je te fais confiance.

Je me décolle du sol, le corps lourd, je démasque enfin mon Nen. Je suis bouche bée. J'ai du mal à avaler la vérité. Mes mouvements sont lents, mes gestes sont hésitants, mes pensées m'écrasent. Je dépose le verre sur la machine à thé. Je suis décidément considéré comme une vulgaire marionnette...

Et j'en suis une.

Parce que mes actions sont guidées par mes parents. Ce qui me gêne, c'est que suis abimé, détérioré, délabré. Je ne sers à rien qu'à servir de prototype. Mon futur petit frère a définitivement de la chance, il aura la vie que j'aurais toujours voulu mener. Il aura l'amour de mes parents, et héritera de notre business familial. Mais je ne peux tout de même pas abandonner. Je serais là, je l'aiderais à devenir ce que mes parents veulent qu'il soit, comme ça ils voudront aussi de moi. J'essaie de prendre le verre avec délicatesse, mais il se brise sur à la pression de ma main.

Maître Illumi, vous allez bien ?!

Je me retourne et croise le visage soucieux de la domestique.

Oui, ne vous inquiétez pas... Veuillez nettoyer tout ça, je vous en pris prie. Disais-je en me forçant à garder une voix neutre.

Je m'en charge tout de suite.

Elle se retourne, et s'éloigne pour chercher le matériel. Pendant ce temps, je quitte la cuisine, et fait demi-tour pour rentrer dans ma chambre. Par malheur, je croise ma mère :

Illumi, m'interpelle-t-elle, je dois te parler.

Elle me fait signe de la suivre. Elle me précède d'un pas déterminé. Je suis son rythme, la tête embrumée par ses dires avec mon père. Nous arrivons, je relève la tête et m'aperçois qu'on est finalement dans ma chambre. La pièce est étonnement sombre, je n'ai pas prêté attention à l'heure. Le soleil s'est déjà couché. Elle s'assoie sur mon lit puis je me pose à côté d'elle.

Tu sais Illumi, dans quelques jours, ton petit frère sera né.

Oui j'ai fait le compte...

J'ai remarqué que tu es devenu fort en quelque temps, tu ne t'es pas secrètement fait d'amis j'espère ?

Non mère.

C'est très bien, tu n'as pas besoin d'amis, de toute façon tous les amis que tu pourrais te faire te trahiront, et alors un jour : tu les tueras.

Elle me lance un sourire narquois.

Tu as bien grandi, tu es devenu fort et beau garçon.

Merci.

Elle fait glisser un brin de cheveux derrière mon oreille. Je devrais apprécier ce geste mais l'atmosphère est lourde. J'ai du mal à respirer.

Ne dis pas à ton père, mais je pense que tu tiendras mieux son rôle que lui.

Mes ongles s'enfoncent dans la paume de mes mains. Je ne veux pas tenir le rôle de père, mais celui de grand frère.

Je serai là pour Killua, mais je ne prendrai pas le rôle de mon père, répondis-je d'une voix forte.

Elle se lève soudainement et m'assène une gifle qui résonne dans toute la pièce.

Je t'interdis de contrer mes dires, et tu feras ce que je te dis pour l'éducation et l'avenir de ton frère !

Elle sort de ma chambre d'une forte démarche et ferme brutalement la porte.

Je me laisse tomber sur le matelas, je me recroqueville. Je n'ai plus envie de bouger, de me lever, de marcher. Je n'ai plus la force de faire quoi que ce soit. Les mots s'entament dans ma tête. Mon corps pèse trop lourd. Je veux en finir. Je veux mourir... Mais je ne peux pas. On m'appelle pour manger mais je ne réponds pas. Quatre heures passent, il est maintenant 23h. J'ai toujours les yeux ouverts, et je n'ai toujours pas bougé d'un centimètre. Un bruit de pas se fait entendre dans la pièce. Je me recourbe difficilement.

Hisoka ?

J'ai attendu un de tes messages tu sais, chuchote-t-il en mimant un visage morose.

Ma vision se fige vers lui, je ne sais pas si je devrais lui souhaiter cette espèce de formule de souhaits, à l'occasion de son anniversaire.

Il étudie attentivement mes traits.

Tu as l'air fatigué, constate-t-il.

Tu viens me voir au beau milieu de la nuit aussi, à quoi tu t'attendais ?

Il ne dit rien, il se contente seulement de m'examiner. En effet, je suis exténué, alors que je n'ai rien fait de spécial pendant cette journée. Je m'approche de lui, et le prends dans mes bras. Je ne sais pas pourquoi, mais j'en avais vraiment besoin. Tout est beaucoup plus paisible ici.

Joyeuse anniversaire Hisoka.

Ma voix et douce et calme. Il enroule par la suite ses bras autour de moi. Ses muscles me procurent une sensation chaleureuse. Mes larmes coulent toutes seules. J'enfuis ma tête dans son torse, et prie pour qu'il ne remarque rien. Je ne comprends pas pourquoi mon corps agit ainsi. Durant un laps de temps, une question me trotte la tête :

Mon corps luttait-t-il pour vivre ou suppliait-t-il d'en finir ?

Mes paupières sont lourdes, mon corps n'est plus en mesure de faire quoi que ce sois, je pense que je vais m'endormir, là dans ses bras.  

The broken Puppet ⟦Illumi Story + Hisoillu⟧ EN PAUSEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant