J'étais dans un bar hier avec des potes. On a discuté de tout et de rien jusqu'à ce que la conversation nous amène à parler politique. Pour ceux qui ne le savent pas, c'est interdit de parler politique ou religion dans un bar mais on était trop chaud pour s'en rappeler, l'endroit était presque vide et puis j'aime prendre des risques, il faut bien le dire.
Au détour d'un sujet, je me suis mis à parler des plus de 10 millions de pauvres qu'on a en France....
Je dois avouer que je ne m'attendais pas à une réaction si violente. À croire que je venais de déclarer qu'on ne pouvait voir les licornes uniquement quand il y a des arcs-en-ciel et que, si on en voyait si peu, c'est parce qu'elles vivaient sur la face cachée de la lune.
Trois amis donc, une entrepreneuse, un homme d'affaire et... Un chef de cuisine. Tous trois ne me laissaient plus parler, ils vociféraient en cœur qu'il n'y avait pas de misère en France, que des fainéants. Des gens qui voulaient bien de cette situation et qui ne faisaient rien pour l'arranger. Impossible d'en placer une... Je venais d'ouvrir la boîte de pandore !
L'être humain me fascine. Il est prêt à tous les stratagèmes pour éviter d'avoir à regarder la réalité en face. Et ça tombe bien mes petits, c'est justement ce que je combats. J'étais, à ce moment-là, exactement où je devais être.
Ce que je combats ? Les gens qui se mentent à eux-mêmes parce que c'est plus pratique, une hypocrisie cachée derrière un individualisme brutal et pourquoi pas, chose nouvelle pour moi, un « négationnisme social ». S'il n'y a pas de misère, on peut continuer à penser qu'à sa petite gueule, à s'empiffrer comme des cochons de lait tout en se roulant dans la vanité. Ben oui, les pauvres, c'est qu'une bande de ratés qui ne se bougent pas le boule alors qu'ils crèvent la bouche ouverte.
On retrouve ce stratagème dans le fameux livre « l'art d'avoir toujours raison » d'Arthur Schopenhauer. Pour être dans le vrai et éviter d'avoir à argumenter, l'interlocuteur nie simplement l'existence du problème. S'il n'y a pas de misère alors pas besoin de s'en soucier. On peut ensuite passer devant un SDF sans le regarder tout en piochant dans un sac de chocolat à 20€ les 100 gr sans sourciller. Pratique oui.
L'assistanat. Par quelques figures de style bien senties, nos politiques, et autres réactionnaires intéressés, arrivent à nous faire croire qu'il y a des gens qui vivent dans le luxe grâce aux aides sociales. Les choux gras des énervés d'extrême droite par exemple. Non, les aides sociales ne le permettent pas. Tout juste de quoi payer un paquet de Cornflakes colorés à ses gosses. Vivre des aides sociales n'est pas vivre, c'est survivre en attendant de crever du cancer qu'on a choppé en bouffant des steaks bons marché au soja transgénique.
Je suis pour qu'on arrête l'assistanat an France. Ça vous paraît contradictoire après ce que je viens de dire ? Ça ne l'est pas. Pourquoi certains préfèrent profiter des aides sociales que d'aller bosser comme des bons citoyens ? Tout le problème vient de là. Les symptômes ne nous seront d'aucune utilité, ce sont les causes qui nous permettront de comprendre la situation. Parce qu'aujourd'hui, on ne bosse que pour se payer des vacances pourries à Cap Esterel ou son abonnement Amazon. On a des boulots de merde, on ne se passionne pour rien. Boulot = contrainte. Dommage quand on sait qu'on passe en moyenne 100.000 heures à travailler dans une vie, soit 12 années entières.
L'école nous apprend à être des gentils consommateurs et pendant ce temps-là, les tafs en usine sont bien payés alors que les métiers-passion, comme pompier, artisan, agriculteur ou infirmière sont payés à la fronde. Pas étonnant alors de voir des saisonniers faire des boulots de merde pendant six mois et voyager les autres 6 mois en profitant du chômage.
Pour supprimer l'assistanat ? Valoriser les « métiers-passion » et favoriser la création d'entreprise. On aura plus peur de se lancer et l'époque où on se la coulait douce en bouffant des chips sur le canapé nous paraîtra très lointaine. Pourquoi profiter du système alors qu'on s'éclate dans son boulot ?
« Oui mais non mais oui mais il faut voyager pour comprendre que c'est bien pire ailleurs ». Oui, nous sommes les enfants gâtés du monde, on ne peut le nier. Mais quel que soit le pays ou le niveau vie, la souffrance reste la souffrance. Demandez à Anas, cet étudiant qui s'est immolé par le feu à Lyon, pour dénoncer sa précarité, s'il avait l'impression d'être un enfant gâté ? Ah pardon, il ne peut plus parler déjà parce qu'il est encore dans un coma artificiel et plus embêtant, aussi parce qu'il n'a plus de lèvres. 80% des étudiants en France sont obligés de faire des petits boulots mal payés pour survivre. Oui, la France a des pauvres.
Bref, je n'en veux pas à mes amis. Ils sont quelque peu cyniques et se complaisent dans l'utilisation de raccourcis pratiques mais on ne peut pas leur en vouloir. Cette misère est si violente que tous les stratagèmes sont bons pour faire comme si de rien était. Ils ne s'imaginent pas une seconde que cette situation pourrait leur arriver un jour. Je suis sûr du contraire, cette situation peut arriver à n'importe qui, du jour au lendemain. Je ne leur souhaite pas mais ce confort et cette sécurité dans lesquels ils s'imaginent vivre sont illusoires.
Oui, la France a des pauvres et non, je ne peux pas vous laisser dire n'importe quoi sans réagir, c'est génétique.
VOUS LISEZ
Le cabinet des curiosités
Short StoryIl y a dix ans, j'entamais l'écriture d'une série de chroniques. Sujets de société, histoires, poèmes, coups de gueule, à lire dans l'ordre ou dans le désordre... En voici une sélection, une ébauche de ce projet qui compte aujourd'hui plus d'une cen...