Prologue

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Jusqu'à ce jour-là, je pensais que mon père était immortel.

Je clipse ma ceinture et lance un regard à mon père qui fait ronronner le moteur pour montrer qu'il est prêt. La femme en short devant nous lève les bras en l'air. Mon cœur accélère et l'adrénaline monte. Nous allons gagner, on gagne toujours. Papa est le meilleur. Personne ne l'a battu depuis de nombreuses années.

Tireless. C'est son surnom. Il a choisi ce dernier pour montrer à tous les autres coureurs que jamais il n'arrêtera. La fatigue ne l'atteindra jamais.

Un jour, je choisirai moi aussi un surnom. Je serai aussi connue que lui dans ces courses. Mon surnom fera vrombir tous les moteurs et frissonner tous les coureurs. Je serai redoutable.

Un jour je serai derrière le volant. Je rendrais fière mon père sur le siège passager pendant que ma mère paniquera dans les tribunes avec ma sœur. Je ne lui ressemble en rien, j'ai tout de mon père. Son tempérament, son physique mais surtout sa passion pour les voitures, les courses et la vitesse. J'aime tout ce que mamá déteste. Pourtant c'est ici qu'ils se sont rencontrés il y a maintenant quatorze ans.

- Hasta la muerte, murmure mon père.

La femme baisse les bras et l'homme à mes côté presse la pédale d'accélération. La voiture démarre au quart de tour me collant au fond du siège. Mon père braque violement à droite m'obligeant à me tenir à la poignée de maintien. La voiture s'engage sur la route animée. Papá évite les autres automobilistes avec une facilité déconcertante. Les autres coureurs sont un peu plus loin derrière nous, ayant plus de difficultés à éviter les véhicules.

Mon cœur bat fort dans ma poitrine. L'euphorie dans mon corps est grisante. Je ne connais pas une meilleure sensation que celle de l'adrénaline qui enivre notre organisme face à un danger ; le cœur s'emballe face à la vitesse et le cerveau en alerte face à toutes les informations qu'il reçoit. Je ne me lasserai jamais de ces sensations. Je suis sûre qu'elles seront encore plus envoutante lorsque je tiendrais le volant dans mes mains.

Mon père m'apprend depuis deux ans à conduire que ce soit sur un parking désert, dans la forêt, sur la route ou dans des rues désertes. Il m'apprend sa passion. Il m'enseigne tout ce qu'il sait ; passer des vitesses jusqu'à attendre le dernier moment pour prendre un virage. Je dois apprendre à définir mes limites pour les optimiser. J'apprends pour être la meilleure, pour le devenir.

Car les courses c'est "hasta la muerte".

Lorsque l'on commence, seule la mort peut nous en éloigner.

Nous progressons dans les rues à toute vitesse, slalomons entre les véhicules en évitant les piétons. Le décor défile à toute allure, mes mains sont moites et mes lèvres sont étirés en un grand sourire sous mon bandana.

Des sirènes résonnent entre les bâtiments en béton. Dans le rétro, j'aperçois des lumières bleues.

- Ils ont été rapide cette fois.

- Ça ne rendra que les choses plus amusantes, répond-il.

Papá adore quand les flics se ramènent dans les courses. Il dit que ça lui rajoute une difficulté pourtant je sais qu'à cet instant il ment. Les choses ne sont pas pareilles lorsque je suis avec lui. Il a une pression de plus car il ne s'agit plus seulement lui. Je suis là, et pour cet homme ma vie vaut bien plus que la sienne. Ma présence le rend nerveux, lui met une pression supplémentaire car il n'a pas le droit à l'erreur. La moindre erreur de sa part à cette vitesse pourrait me couter la vie.

Les coureurs nous rattrapent, je le vois. Ses mouvements sont moins fluides pourtant je ne dis rien. Le décor continue à filer derrière la vitre.

Puis tout dérape.

Tout se passe trop vite.

Une femme avec une poussette se matérialise devant mes yeux. Il l'évite de justesse. Mais une voiture déboule devant nous. Un gyrophare bleu nous aveugle. Papa donne un coup de volant.

J'hurle.

La voiture fait des tonneaux. J'ai peur. Mes yeux se ferment.

Mes oreilles bourdonnent. J'ai mal partout. J'ouvre difficilement les yeux. Des lumières bleues éclairent l'intérieur du véhicule. Je suis encore assise dans la voiture, la tête vers le bas. Papa a les yeux fermés à côté de moi. Son visage est rempli de sang. J'ai peur. Que se passe-t-il ?

- Papá ?

Il ne me répond pas. Au lieu de cela, un homme accroupi à ma droite me parle. Je ne sais pas ce qu'il me dit, je n'entends pas, je ne le veux pas. Je veux mon père.

- Papá.

J'essaie de bouger mon bras dans sa direction mais une douleur lancinante m'en empêche. J'ai froid, j'ai mal. Je veux rentrer chez moi.

- Papá...

Des mains se posent sur moi et j'hurle. Je ne veux pas qu'il me touche. J'ai mal. Je veux mon père. Je veux qu'il me soigne et qu'il me réconforte. Je veux mon père.

- Papá !

Pourquoi ne me réponds-tu pas ? Papá ? Que se passe-t-il ? A-t-on gagné la course ? Où est-on ? Que s'est-il passé ?

- Réveille-toi Papá, je le supplie.

Qu'il y'a-t-il ? Pourquoi ne veux-tu pas me répondre. Qu'ai-je fait de mal ?

- Mon papá...

L'homme continue à me parler mais je n'entends pas. Mes paupières deviennent lourdes. J'ai froid. J'ai peur. Je veux mon père.

Vient m'aider Papá. J'ai besoin que tu me rassures. Tu es un homme fort, pas vrai ? Un père c'est immortel, non ?

Hasta la muerte (terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant