Ainsi, tous les enfants furent sauvés. Ils retrouvèrent leurs parents sains et saufs, dans la joie et les larmes. Même blessé, Dennis n'avait jamais été aussi heureux de serrer son père contre lui et ça, il le devait au courage des Défenseurs ; à Milléïs, à Draval et à leurs compagnons. La majorité des Contestataires avaient été arrêtés et dépossédés de leur quartier général. Les fouilles de sécurité durèrent deux jours pleins. Les Défenseurs délogèrent des armes de guerre et des bombes artisanales que les Contestataires gardaient précieusement dans la vieille chapelle ; celles-ci furent aussitôt envoyées au MAJE, en quarantaine, le temps que les laboratoires du DAI ne leur procurent une expertise complète.
Suite à ceci, l'abbaye de Liesel retrouva enfin son calme morbide et désolant. Les vestiges de la mission seraient ses ultimes aventures.
Après les rapports des agents sur place, Laliza fut condamnée coupable de trahison, de complicité et de tentative de meurtre. Elle fut déchue de son insigne et sous les yeux profondément déçus de son grand-père, venu dès que la nouvelle lui était parvenue, elle traversa la foule agglutinée autour du Défensariat. Menottes aux poignets et béquille à la jambe, l'ancienne cheffe d'équipe fut escortée jusqu'au convoi qui partait pour le Schtar. Pâle et honteuse, elle ne put tenir le regard de son aïeul. L'observant du haut de son bureau, Cumberstone fut grandement touché par ses actes. Il plaçait tant d'espoir en elle et n'aurait jamais pu la croire capable d'une telle horreur. Laliza avait dupé tout le monde.
Jobal, lui, avait disparu dans la nature. Même s'ils l'avaient laissé fuir, Milléïs et Draval furent salués pour leur bravoure exemplaire face au Mini-Missile. Les Lockspear le furent également pour leur ingéniosité et leur sang-froid. Cumberstone leur confia même être agréablement surpris par leur entente et leur réussite commune. Ils feraient un binôme d'exception, à l'image de leur noble famille. Ils pouvaient être fiers, comme il était fier d'eux à cet instant.
— Félicitations, les enfants... Votre première mission est un franc succès !
Dans le bureau du Chef des Brigades, Milléïs ne put s'empêcher de sauter sur Draval afin de démontrer sa joie. Elle s'octroya même quelques pas de danse qui eurent l'effet de faire pouffer la galerie. Finalement, Cumberstone leur sourit derrière ses moustaches.
— Bien, repos à vous, Défenseurs. Vous l'avez bien mérité !
Dans un soupir de bien-être, Lascan fantasmait sur les courbes de son lit douillet et de ses oreillers moelleux, alors que Sielle souhaitait voir son père pour lui conter toutes leurs péripéties. Milléïs et Draval comptaient faire de même auprès de leurs mères respectives. Dans le couloir menant au Mitan, les deux binômes se firent face pour se dire au revoir.
— Eh, vous deux ! Je... Je voulais vous remercier.
Était-ce une hallucination ou Lascan venait réellement de prononcer ces mots ? Même Sielle n'y croyait pas, ses yeux ronds en témoignaient. Draval se récura l'intérieur de l'oreille à l'aide de son auriculaire, pensant avoir mal entendu. D'un ton sarcastique et amusé, Milléïs ricana :
— Nous remercier ? Que nous vaut cet immense honneur, votre sainteté ?
Son attitude arracha une grimace à Lascan qui, bercé par l'œil tendre de sa sœur, réajusta nerveusement sa cape et reprit :
— Votre acte nous a tous sauvés. Pas seulement moi, ma sœur, les enfants et les troupes alliées. J'avoue que j'ai du mal à le partager, mais... Vous avez ma gratitude.
Perdus entre un attendrissement de circonstance et une incoercible envie de rire, Milléïs et Draval échangèrent une œillade scintillante. Lui qui distribuait son affection avec une immense parcimonie, c'était un jour à marquer d'une pierre blanche.
— Une partie de ma gratitude... se corrigea Lascan, après avoir évalué l'énormité de ses paroles.
— C'est déjà beaucoup venant de toi, ajouta Draval, tout en gloussant.
Il lui tendit alors la main. Lascan avisa longuement les doigts entaillés que lui brandissait le fils du forgeron ; un signe de paix, d'acceptation et d'une abolition de guerre qui s'éternisait inutilement. Les événements de l'abbaye s'enchaînaient dans les tissages de sa mémoire. Draval l'avait personnellement secouru en tirant sur Laliza. Même si sa fierté était heurtée de plein fouet, Lascan devait avouer qu'il lui était redevable. Il ignorait s'il aurait pu lui rendre la pareille, dans le cas inverse.
Ce fut la raison qui le poussa à ancrer sereinement sa main dans la sienne. Seulement, espérant leur faire comprendre la chose grâce à une voix dure et suffisante, le noiraud les prévint :
— Mais attention, vous deux... Ça ne veut pas dire que je vous apprécie.
Draval s'esclaffa doucement d'un air incrédule, de concert avec Milléïs qui chantonna sous son nez :
— C'est déjà un bon début. On s'en contentera.
Sur le fil de ces paroles, l'humble binôme s'en alla avec prospérité, laissant les jumeaux entre eux. Sielle en profita pour enlacer le bras de son frère, heureuse qu'il ait enfin vaincu son intraitable caractère le temps d'un échange. Même si ça ne paraissait pas, c'était un gigantesque pas en avant. Celui-ci, étonné par ce contact, se dégagea vivement, comme saisi d'un coup de jus.
— Ne profite pas de la situation, toi ! lui bougonna-t-il, tout grognon.
Elle y avait cru, mais pourtant, il était certain que Lascan ne changerait jamais. Éternel indigné des relations riches-pauvres, un vengeur blasé et outrecuidant, un frère si peu attentionné. Son expression ennuyée et en même temps constellée de culpabilité contrastait avec son regard assombri par l'agacement. Elle ne se soucia pas de cette fatalité et tordit ses commissures malgré elle, terminant par rire aux éclats. À croire que la bonne humeur contagieuse de Milléïs avait déteint sur elle.
Lorsqu'ils retrouvèrent leurs parents, Milléïs et Draval récoltèrent les félicitations et leurs mille échos de bonheur. Icencia et Joya se jurèrent de combler leurs petits héros en leur cuisinant de bons petits plats, afin de leur redonner les forces nécessaire pour affronter ce qui les attendaient. Même Spoon eut droit à un graissage des articulations.
Les jours passèrent dans le repos et la bonne nourriture, lorsque le binôme modeste reçut une missive du Défensariat. Milléïs savait pertinemment ce que c'était. Grignotée par l'impatience, elle attendit néanmoins que Draval vienne la rejoindre chez elle pour l'ouvrir. Le garçon n'avait pas tardé ; la jeune fille ne fut même pas étonnée de le voir débarquer pieds nus dans son salon.
À l'aide d'un couteau, caressée par les yeux fiers de sa mère, Milléïs découpa jovialement le papier et libéra la feuille qu'il contenait : leur acceptation au Championnat des Nations aux côtés des Lockspear, comme promis.
Un nouveau rêve d'enfance se réalisait ; un rêve merveilleux qui demandait le risque, la sueur et le surpassement de soi. Il réclamait d'être plus fort, plus confiant et surtout, d'exister dans le cœur des gens.
Désormais, c'était une réalité à poursuivre.
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𝐌𝐈𝐋𝐋𝐄𝐈𝐒 𝐆𝐀𝐙𝐄𝐑𝐆𝐑𝐀𝐘, T1 : La Voie des Défenseurs
FantasyArchipel d'Enkkorag, 1877. Dans un monde où les engrenages côtoient les énergies solaires et les cités homériques, Milléïs évolue. Dès son plus jeune âge, elle nourrit une ambition : protéger les autres, servir la justice et lutter contre le mal. Dr...