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Gabriel regarda fixement Elias qui perdait son temps à commenter la série, comme il l'avait fait la veille. Il le faisait en norvégien comme s'il parlait aux protagonistes et Gabriel devait avouer qu'il trouvait la situation très comique. Cela l'amusait grandement, il ne lui dirait pas, mais il pourrait l'entendre le faire pendant des heures encore. Elias y mettait toutes ses forces. Grondant, râlant ou soupirant devant l'écran. Sans pouvoir le contenir, Gabriel émit un gloussement qui interpella le gendarme qui se tourna vers lui, les sourcils froncés et la tête légèrement penchée, attendant l'explication du pompier.

— Tu comptes faire ça à chaque fois que l'on va se poser devant cette série ? demanda alors Gabriel, un air moqueur.

Elias savait que son ami n'était pas en colère, au contraire, il se fichait de lui. Ses joues se tintèrent de rouge et il tenta de duper Gabriel avec une moue enfantine.

— Je n'y peux rien si ce n'est pas crédible. Le scénario n'est pas bon. Sans rire et c'est quoi ce Loki là ? Je n'aime pas cette série...

Les lèvres de Gabriel s'étirèrent, Elias pouvait se montrer très puéril par moment et il devait avouer que ça lui plaisait quand même un peu. Il voulut répliquer quelque chose afin de le chambrer encore plus, mais son ventre émit un son très distinctif qui n'échappa pas à Elias. Le sérieux revint. Ils avaient réussi à oublier le contexte de la visite d'Elias pendant un instant.

— Tu devrais prendre un morceau, même si ce n'est pas beaucoup, je pense que tu en as besoin, insista Elias.

— J'ai peur de finir dans le même état que cette nuit, avoua faiblement son ami.

— Si jamais ça ne va pas cette nuit, tu as mon numéro. Tu m'appelles et je suis là dans les quinze minutes qui suivent d'accord ?

Elias voulait montrer au pompier qu'il n'était pas seul face à ses angoisses et son état de tristesse profonde. Il ne voulait pas employer le mot « dépression » tant que la psychologue de Gabriel ne l'aurait pas employé et que le bouclé ne lui en parlerait pas de lui-même. Gabriel baissa les yeux, grognant son désaccord.

— Je ne peux pas faire ça. Tu as une vie, je ne dois pas prendre autant de place.

Le gendarme frémit et il se mordit la lèvre, se retenant de secouer Gabriel pour lui faire entendre raison. Il tenta de faire le vide dans son esprit afin de pouvoir être le plus calme possible dans sa réponse.

— Mais ce n'est pas toi qui décides si tu prends de la place dans la vie de tes amis. C'est nous qui choisissons de te laisser toute cette place. Si je te demande de m'appeler quand ça ne va pas, tu le fais. Maintenant, fais-moi plaisir et va manger quelque chose, s'il te plaît, Gabriel. Tu fais peine à voir...

Face à la sincérité du Norvégien, Gabriel se sentit pris au piège. Que pouvait-il répondre à cela ? Dans une mauvaise foi assumée, il se leva devant le visage réjoui du deuxième homme.

— Tellement réconfortant, grogna Gabriel pour la forme, en se dirigeant vers la cuisine.

Elias attendit qu'il ne soit plus dans son champ de vision pour sortir son téléphone et envoyer un SMS à Alice et Raphael afin de les rassurer. Il n'était pas le plus proche de Gabriel, mais il avait sa vie toute tracée et des jours de congés à poser. Le couple ne pouvait pas se permettre de louper plus que nécessaire et surtout, Elias ne l'avouerait que sous la contrainte, mais il voulait passer le plus de temps possible avec le pompier. Le message fût simple et rapide. Il savait que ces simples mots feraient plaisir aux deux autres qui prendraient le relais, le lendemain et le week-end prochain. Il soupira, souhaitant plus que tout voir son ami aller mieux. Il n'imaginait même pas dans quel état il serait si ç'avait été sa mère, penchée vers le vide. Il se serait écroulé aussi. C'était cette empathie que lui reprochait Lilian. Quand Gabriel revint vers lui avec deux assiettes chaudes dans les mains, Elias sortit de sa bulle et eut un petit sourire.

FRELSEROù les histoires vivent. Découvrez maintenant