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Gabriel avait l'impression d'étouffer. La chaleur était insoutenable et son uniforme n'aidait pas. Réfugié dans la cafétéria avec ses collègues et il tentait désespérément de se caler au maximum sur le mouvement du ventilateur. Gauche, droite, gauche, droite. Les perles de sueur coulaient le long de sa nuque et trempaient ses cheveux. La température, si lourde, lui donnait envie de dormir. Il ne voulait plus bouger, son corps pesait trop lourd.

— Je crois que je n'ai jamais eu aussi chaud de ma vie, grogna l'un de ses collègues, en laissant sa tête tomber sur la table face à lui.

Gabriel était entièrement d'accord avec lui. Cette canicule était affreuse, et ils sortaient bien plus souvent à cause des personnes qui préféraient tenter le diable sous ce soleil ardent. Entre les coups de chaud, les insolations et les malaises cardiaques, il n'en voyait pas le bout. Et le pire, c'était les interventions sur les personnes âgées. Elles se finissaient rarement bien.

L'alarme sonna et fit souffler tous les soldats du feu en même temps. Ils allaient devoir se remuer. En espérant que cette fois, ce n'était pas une personne qui avait eu la brillante idée de courir.

— Feu de forêt.

Tous se relevèrent d'un bond, oubliant leur mauvaise humeur. C'était la mission qu'ils redoutaient tous le plus. Avec une telle chaleur, le bois et l'herbe étaient si secs qu'une simple étincelle pouvait brûler des hectares. Gabriel avait la boule au ventre, ce n'était pas son premier feu de forêt, mais ça lui faisait toujours quelque chose. Son père était décédé de cette façon. John lui lança un regard lourd de sens. C'était une conversation silencieuse entre eux. L'un demandait si ça allait et le second lui répondait qu'il faisait avec.

Gabriel se rua sur la portière du camion alors que l'un de ses collègues le démarrer déjà. Ils n'avaient pas de temps à perdre. Dans l'habitacle, personne ne parlait. L'inquiétude les gagnait, leurs gorges se nouèrent. Si ce feu prenait plus d'ampleur, des habitations, des vies entières seraient détruites. Gabriel y réfléchissait, il ne pensait qu'à cela. Sa propre vie avait été gâchée par un feu de forêt et chaque année, il se battait pour que plus personne n'en soit victime. Malheureusement, il n'était pas un superhéros et ne pouvait pas y arriver à tous les coups. Il en avait vu passer des couples ou des enfants en larmes après la perte de leurs toits.

Les deux tons de chaque camion hurlaient à travers la ville et au bout de quelques kilomètres, Gabriel vu l'épaisse fumée au loin. Ils allaient avoir besoin de bien plus que ce qu'ils avaient imaginé. Les flammes dévoraient les arbres et grimpaient le flanc de la montagne de la Rhune. Les camions ne pourraient pas atteindre ces hauteurs.

— Très bien, on se met en tenue une fois là-bas, aucune imprudence. On se tient à distance tout en l'étouffant un maximum. Il va falloir faire venir des canadairs. Ça va prendre du temps, donc dès que vous vous sentez fatigués, vous rentrez à la caserne.

John attendit la réponse de ses deux comparses qui ne vint pas. Les deux autres pompiers regardaient les flammes avec attention. Gabriel hocha brièvement la tête. Les véhicules à l'arrêt à bonne distance du danger, tous les soldats du feu se préparent avec hâte et se mirent position. John tirait sur le tuyau et Gabriel comme toujours dirigeait la hanse. Ses mouvements étaient mécaniques, il ne prit pas le temps de réfléchir. Il se laissa prendre par le travail, sa tête effaça tout le reste et il se focalisa sur son intervention.

Il était trempé, la sueur lui tombait dans les yeux, lui brûlant. Sa tête tournait et sa respiration se fit courte.

— Gabriel, au camion !

Il ne chercha pas à contredire l'ordre, il chancelait et voyait trouble. Il sentit qu'on lui prit l'objet des mains. Pas à pas, il regagna le camion contre lequel il s'effondra. Tremblant, il retira son casque. Assis au sol, il leva la tête vers le ciel. Il se rendit alors compte qu'il était étoilé et que cela faisait des heures qu'il se battait contre l'enfer. Il avait faim, soif, chaud. Ses muscles étaient à bout de nerfs. L'adrénaline quitta son corps et des larmes de nerfs se mirent à couler sur ses joues.

FRELSEROù les histoires vivent. Découvrez maintenant