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Le silence dans l'habitacle était lourd. Seules les respirations se faisaient entendre. Tobias et John ne savaient pas quoi dire, tant la tension était palpable. Même le coéquipier d'Elias sentait que quelque chose n'allait pas. Derrière eux, une autre voiture de gendarmerie emmenait le dernier pompier et Gabriel aurait échangé sa place contre n'importe quoi. Même contre son âme s'il le fallait.

— Tu vas faire quoi ce soir ? le questionna John pour mettre fin à ce silence désastreux.

Gabriel, assis au milieu pour son plus grand malheur, le regarda un long moment, sans répondre. Il avait presque envie de lui mentir. De lui dire qu'il comptait voir un plan cul, mais il refusait d'être ce genre de personne. Il n'avait pas non plus envie d'exposer sa vie privée, surtout devant Elias. Il se contenta de hausser les épaules pour signifier à son mentor qu'il n'en savait rien. Bien-sûr qu'il savait ce qu'il ferait en rentrant ! Oslo et lui iraient se promener dans un parc canin et il avait invité Alice et Raphael à manger avec lui en bord de mer dans leur restaurant.

Elias aurait aimé entendre la voix de Gabriel annonçait sa soirée. La curiosité lui grignotait les tripes. Il mourrait d'envie d'en savoir plus. Est-ce qu'au moins le pompier pensait à lui ? Vu son regard de braise, dans lequel il pouvait y deviner dans quelles conditions il allait mourir, oui, Gabriel pensait à lui, mais pas comme il le voudrait.

— Très bien, soupira John en regardant à nouveau le paysage qui défilait par la fenêtre.

Le coéquipier du gendarme sentit la tension revenir et il décida de tenter à son tour d'amener une conversation banale.

— Et toi Elias, tu vas faire quoi de beau ce soir ? demanda Xavier.

Le gendarme était tellement tendu que la voix de son collègue le fit légèrement tressauter. Contrairement à son « ami », s'il pouvait encore l'appeler ainsi, il décida de répondre honnêtement à Xavier. De toute façon, depuis son retour, la semaine passée, le gendarme n'entendait parler que de cela. Sa séparation et la trahison de Lilian.

— Lilian vient chercher ses derniers cartons, répondit-il simplement.

La tête de Gabriel se releva si vite, qu'il eut un vertige pendant quelques secondes. Sa réaction n'était passée inaperçue pour personne. Qu'entendait Elias par là ? Lilian avait déménagé ? Ils étaient séparés ? Le pompier porta son regard sur la main gauche du conducteur et constata que sa bague de fiançailles avait disparu. Pas de doute, entre Lilian et lui, c'était le naufrage. Il tenta de ne pas sourire, par respect pour le Norvégien. Même s'ils étaient en froid, il n'était pas un monstre sans cœur qui appréciait le malheur de l'autre.

— Et comment tu le vis toi ? continua Xavier, faisant fi des hommes à l'arrière.

— Je ne sais pas trop, j'aurais aimé rester au pays un peu plus longtemps. J'étais comme hors de tout là-bas.

Elias savait très bien que Gabriel écoutait et c'était pour cette raison qu'il répondait volontiers aux questions personnelles de son ami. C'était sa façon à lui de donner de ses nouvelles au pompier sans lui parler directement. Il voulait qu'il sache.

— Tu sais que quand les gens prennent des vacances d'été, ils partent dans le sud, pas en Norvège, pouffa son ami.

— Si ç'avait été de vraies vacances, crois-moi j'aurais été en Égypte ou en Grèce, ironisa Elias.

Xavier lui offrit un sourire compatissant. Il savait que sa rupture avec Lilian lui faisait beaucoup de mal, mais Elias en parlait peu. Il préférait rester professionnel et se focaliser sur le travail. C'était sa manière à lui de ne pas y penser plus que nécessaire et de se laisser aller au chagrin. Xavier se tourna vers les pompiers à l'arrière et surpris le plus jeune, le regard fixait sur Elias. Pris sur le fait, Gabriel baissa les yeux sur ses mains moites qu'il frotta contre son pantalon de travail. Le silence redevint roi et jusqu'à la caserne personne ne parla. Xavier descendit le premier afin d'ouvrir les portières aux hommes. Gabriel fut le dernier à descendre, étonnement, il prit tout son temps et se permit même de jeter un dernier regard dans le rétroviseur central de la voiture. Ses pupilles rencontrèrent celles d'Elias. Une multitude de sentiments l'envahir. Il avait une folle envie de rester là, à le contempler encore et encore et de laisser les papillons voler frénétiquement dans son ventre. Le souvenir de la dispute lui revint et il finit par briser le contact avant de quitter le véhicule, le cœur en souffrance et la gorge serrée. Le voir lui faisait tellement mal. Ses sentiments s'étaient développés sans qu'il n'en prenne conscience et maintenant, il devait vivre avec ça jusqu'à ce que tout s'efface avec le temps. Ne pleure pas devant lui. Sors la tête haute et reprends ta vie comme si rien ne s'était jamais passé, se dit-il.

FRELSEROù les histoires vivent. Découvrez maintenant