Marcus Grzywacz aimait le football. Petit, il avait tenté sa chance dans plusieurs centres de formation de la région. Aucun n'avait reconnu son talent, que lui-même trouvait immense. Depuis, il jouait à un niveau régional. Enfin, les bonnes saisons, sinon, il arpentait plutôt les terrains du district Artois. Il avait toujours soutenu le Racing Club de Lens. C'était une sortie régulière pour son père, le samedi soir. Il rentrait souvent particulièrement joyeux, Marcus l'entendait chanter de sa chambre. Et dès que son âge avait autorisé l'accès au stade Félix Bollaert, il l'avait accompagné. Il avait ainsi attrapé le virus. Il était présent lors du titre de champion en 1998 et avait défilé dans les rues. Depuis, il avait même intégré le club de supporters appelé « Red Tigers », un groupe d'ultras, connu, en dehors de l'ambiance qu'il apportait lors des matchs, pour des faits de violence et de destruction. Et maintenant qu'il était père, il voulait apporter à son fils, Dylan, cette joie, cette fierté de soutenir son équipe favorite. Il emmenait le gamin de huit ans dans les travées du stade, et même parfois en déplacement. Les longues heures en bus ne lui faisaient pas peur. C'est là qu'il avait bu sa première bière, et tant d'autres depuis.

Et comme tout supporter lensois qui se respecte - de son point de vue, il haïssait le LOSC, club de la ville voisine de Lille. C'est pourquoi, Dylan sur les talons, il se rendait à Dourges pour taguer un entrepôt visible de l'autoroute A1. Il sortit sa bombe et commença à tracer les lettres. Après avoir terminé chaque caractère, il s'arrêtait, reculait, et regardait fièrement son œuvre. Dylan, qui arborait une magnifique coupe mulet très en vogue lorsque son père était jeune, semblait s'ennuyer ferme. Il s'inquiétait, même, scrutant les alentours et se demandant pourquoi ils faisaient ça en plein jour.

— Grouille-toi, p'pa.

— T'inquiète, tiot. Il ne me reste qu'une lettre.

Alors que Marcus avançait la main, un énorme sifflement se fit entendre. Ils crurent d'abord à un avion qui s'écrasait et se retournèrent. Ce qu'ils virent les laissa pantois. Un objet de forme ovoïde approchait l'autoroute à pleine vitesse et alla s'écraser sur celui-ci, à quelques centaines de mètres. La poussière les enveloppa, provoquant leur toux. Une fois celle-ci dissipée, ils s'enfuirent en courant, laissant sur l'entrepôt leur phrase tronquée, hommage au voisin nordiste : « LILLOIS MERD ».

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