Frère Constant avait une mission. Et il allait l'accomplir. La fierté qu'il ressentait était énorme. Il était de nouveau l'être choisi par le Maître du Message. C'est ainsi que les adeptes appelaient leur gourou. Cependant, réussir ne serait pas une mince affaire. Il allait falloir passer les militaires pour intégrer l'abbaye. Il laissa sa voiture près d'un chemin et s'engagea sous les arbres.

Deux heures après, il se retrouva devant le colonel Jasper-Gauthier, qui le détaillait d'un regard furibond.

— Qu'est-ce que vous foutez encore là, vous ! La première aventure ne vous a pas suffi ?

— Je suis ici dans un but bien précis.

— Ah oui ? Lequel, si je peux me permettre ?

— Je dois leur parler.

— A qui ? Aux moines ? ironisa le militaire.

— A nos maîtres. Ceux que vous appelez visiteurs.

— C'est proprement impossible. On ne peut s'approcher d'aucun site occupé par vos gourous galactiques. Pas plus celui-là que les autres. Ce n'est pas pour rien qu'on m'a laissé de planton ici. Et croyez-moi, ça m'agace. Alors, faut pas me pousser pour que je devienne désagréable.

— Ce n'est pas mon intention. Peut-être pourrais-je m'entretenir avec le frère Pierrick ?

Jasper-Gauthier était rouge de colère et raide comme un patient de cabinet d'ostéopathe avant la séance.

— Le moine ? Tu veux tenter la conversion mon gars ? Légalement, je ne peux pas te foutre au trou. Mais t'auras quand-même droit à une convocation par la justice, fais-moi confiance.

Il se leva et s'adressa à ses hommes.

— Allez, virez-moi ça. Pas besoin de prendre des gants.

Constant fut expulsé manu-militari, mais il avait une information intéressante. D'autres sites existaient, avec les êtres venus d'ailleurs. Et il allait les trouver.

*

A l'observatoire, les choses s'étaient peu à peu mises en place. Valentini avait pris ses marques. Il venait le matin et travaillait la journée sur ses différents dossiers. Il s'absentait parfois plusieurs heures, voire plusieurs jours. Sandra imaginait qu'il était en mission, mais ne l'interrogeait jamais. A son retour, il apportait le café et les croissants, la machine à café ayant rendu l'âme deux ans auparavant. Elle qui avait toujours travaillé seule, non seulement sur ses tâches, mais aussi dans son environnement, s'était habituée assez facilement à cette discrète compagnie, parfois doublée par l'arrivée du frère Pierrick. Le moine venait rarement, mais sa présence était toujours une joie pour les deux autres. Drôle, toujours de bonne humeur, il apportait cette touche de gaieté qui manquait à la studieuse astronome et à l'énigmatique agent du gouvernement. Il apportait également le maximum d'informations sur les visiteurs, information enregistrées et classées.

Ce matin-là, Valentini avait apporté une machine à espresso. La jeune femme le regarda l'installer et pester sur le montage du filtre et du moulin.

— Vous auriez dû acheter une machine à capsule, ironisa-t-elle.

— Ce n'est pas écologique. Et puis, je porte un nom italien, je suis censé savoir me servir d'une machine à café.

Comme d'habitude, Sandra ne savait réellement définir s'il était sérieux ou s'il plaisantait. La porte s'ouvrit doucement et laissa place à la forte stature du moine.

— Bonjour, mes amis. Comment allez-vous ?

— Bien, répondit l'astronome. Avec un peu de chance, on pourra vous offrir un café dans quelques minutes... ou quelques heures.

— Aucune chance, répondit un Valentini imperturbable. J'ai oublié d'acheter du café en grains.

Pierrick rit de bon cœur.

— De toute façon, conclut-il, nous n'avons pas le temps. Valla veut vous voir. Il a quelque chose d'important à vous partager.

Sans attendre, les deux autres prirent leurs vestes et suivirent l'homme d'église.


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