Le frère Pierrick avait finalement été libéré. Les heures qu'il avait passées, enfermé dans un bureau vide de la citadelle de Lille, l'avait conduit à revoir ce qu'il pensait du confort de sa cellule. Ses livres lui manquaient, particulièrement ses bibles, dont certaines n'en avaient que la couverture, et dont l'intérieur était occupé par des mangas. Il réussissait à se procurer ces ouvrages lors des rares sorties pour livrer les bières dans les brasseries de Bailleul. A cette occasion, les moines profitaient de leur liberté pour vaquer à des occupations moins spirituelles. Pierrick alternait entre librairies et brasseries.

Il était content de rentrer, mais une chose l'intriguait : ce n'était pas Valentini qui le ramenait mais des militaires. A peine déposé devant l'abbaye, il fut pris en charge par un soldat et fut conduit dans le bureau de l'abbé. Sur le fauteuil où trônait habituellement le vieil homme se trouvait un officier à la coupe en brosse très militaire.

— Asseyez-vous, frère Pierrick, proposa Jasper-Gauthier. Nous allons discuter.

Pierrick obéit en tremblant. Même si l'officier souriait, ce n'était qu'une façade et son regard était clairement hostile.

— Où est l'abbé ? J'avoue ne pas comprendre la situation.

— Eh bien, je serai bref. La zone est à présent occupée par mes hommes. Et vous, vous allez me dire tout ce que vous savez.

— J'ai déjà tout dit à monsieur Valentini. Et je ne sais pas grand-chose.

— Ce n'est pas grave, vous allez vous répéter. Et j'ai tout mon temps...

Le frère zythophile soupira. Les heures qui allaient suivre s'annonçaient très longues et particulièrement pénibles.


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