Etienne Jasper-Gauthier faisait les cent pas. Il n'aimait pas être bloqué à un endroit, sans ordre de mission précis. Tel un lion en cage, il passait ses nerfs sur ses subordonnés. La plupart l'évitaient, surtout le lieutenant Beladj. Le colonel, qui n'avait pas encore compris ce petit jeu, arpentait régulièrement l'entrepôt pour une inspection surprise. Et gare à celui qui paraissait ne pas avoir une attitude conforme à tout bon soldat. Cette fois-là, il fut attiré par un fond musical très léger. Derrière une caisse, il surprit le large dos de son aide de camp.

— Barracuda ! murmurait celui-ci en dansant.

Le colonel lui tapota l'épaule. Marouane se retourna et pâlit à la vue de son supérieur.

— Alors, garçon ? On chante du Claude François pendant le service ?!

Le « garçon » ne savait que répondre et se mit au garde-à-vous.

— Vous allez avoir de mes nouvelles. Lorsque nous sommes en mission, le sérieux et la concentration sont de rigueur !

Des pas résonnèrent sur la passerelle métallique qui reliait les deux parties de l'entrepôt. Les deux hommes se tournèrent vers l'escalier et virent arriver une sentinelle qui courrait à perdre haleine.

— Colonel ! haleta le jeune soldat.

— Eh bien, jeune homme, quelle est donc cette tenue ? Reprenez-vous !

L'homme se mit au garde-à-vous et parla sur un signe de son supérieur.

— L'œuf, Colonel, il a bougé.

— Bougé ? Comment ça, bougé ?

— En fait, il s'est ouvert.

— Ouvert ? Et qu'y a-t-il à l'intérieur ?

— Bah, on ne sait pas trop. Ça brille.

— Bien ! soupira le colonel. Allons voir ça !

Décidément, il n'aimait pas l'improvisation. Il suivit la sentinelle et s'arrêta au bas de l'escalier.

— Vous aussi, Beladj ! Et que ça saute !

Le lieutenant sursauta et trotta sur leurs talons.


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