Croissance -1-

2 1 0
                                    

Le frère Pierrick était rentré docilement à l'abbaye. Les médecins l'avaient examiné sans déceler le moindre problème. Il restait cependant confiné dans sa cellule, non pas à la demande des autorités mais bien à celle du père abbé. Et il n'en était pas malheureux. Il n'était pas habitué à autant d'activités – il avait plutôt tendance à tirer au flanc pour celles propres à l'abbaye, hormis en ce qui concernait la brasserie - et était épuisé par ses dernières aventures. Il prit une bible et lisait parfois certains versets, sa nourriture spirituelle, qui lui permettait de réfléchir aux évènements et passer le temps. La seule chose qui manquait au bon vivant qu'il demeurait était la bière. Il n'avait droit qu'à l'eau de la source. Or, s'il est de notoriété publique que l'infusion de houblon contient à peu près quatre-vingt-dix pourcents d'eau, les dix pourcents restants en faisaient tout le sel. Quant à la nourriture solide, elle lui était pourvue par les moines en quantité, même si ceux-ci ne s'attardaient pas près de lui. Aussi fut-il étonné de voir entrer le père abbé, masque sur le visage, trois jours après son retour. Le vieux religieux était devenu presque hypocondriaque depuis l'arrivée du Covid.

— Mon fils, commença le saint homme, je suis heureux de constater que vous êtes revenu dans de bonnes dispositions. Je suis sûr que le Seigneur, dont l'œil indulgent est posé sur nous, apprécie vos efforts.

— Merci, mon père. Mon seul désir est de pouvoir continuer à prier le seigneur en ce lieu.

L'abbé lui mit une main sur l'épaule, mais la retira tout de suite. Il sortit une petite gourde de gel hydroalcoolique et s'en aspergea les mains. L'odeur de lavande emplit immédiatement la pièce.

— Si vous continuez dans cette voie, nous aurons plaisir à vous voir revenir parmi nous. C'est pourquoi je vous exhorte à suivre le même chemin dans les semaines à venir, malgré les tentations qui pourraient se présenter...

Le saint homme hésitait. Il leva un sourcil perplexe. Pierrick attendait la suite. Rester plusieurs semaines enfermé ne le réjouissait pas.

— Un homme souhaite vous parler, reprit l'abbé. Je ne le connais pas. Je ne peux bien sûr vous l'interdire, et il n'y a aucune consigne des autorités qui s'y oppose. Cependant, faites attention. Faites confiance à Dieu, mais méfiez-vous des hommes.

Pierrick accepta la rencontre et fut conduit dans une pièce où les moines pouvaient recevoir leurs proches. Un homme assez grand, aux cheveux blonds en bataille, l'y attendait. Le moine ne le connaissait pas. L'homme le salua avec un grand sourire.


PrémicesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant