3 janvier. Après presque trois semaines de vacances au Brésil, nous revoilà déjà au Japon. Quand on a quitté l'aéroport de Rio, il faisait 30°C, une journée d'été radieuse. Une étape à Dubaï, puis descente sur le tarmac de Tokyo en plein hiver : 5°C au compteur. Heureusement qu'on a anticipé les manteaux. Flavia arrange soigneusement l'écharpe de Rubens qui somnole contre moi, et que je porte du bras droit ; de la main gauche, je tire ma valise.
-Vas-y, avance, c'est pour Insta.
Je m'exécute sagement, je me plie au cliché du père globe-trotter ; de quoi apaiser les réseaux quelques jours. Je suis bien content que mon visage n'apparaisse pas et que Fla ait pris la photo de dos. Je suis crevé après les longues heures d'avion, le choc thermique m'assomme et j'ai qu'une hâte, retrouver mon lit.
J'ai essayé de profiter des vacances autant que possible. J'ai retrouvé mes coéquipiers brésiliens, j'ai passé du temps avec ma mère et mes sœurs, j'ai fait quelques apparitions publiques pour promouvoir le volley et parler de mon début de saison en V-League. On a fait Noël en petit comité, en famille à la maison. Fla s'est éclipsée quelques soirs pour retrouver d'anciens amants à qui elle fait toujours tourner la tête -en même temps, comment lui résister ?- et j'en ai profité pour rester avec Rubinho à la maison, à faire quelques activités entre père et fils. Histoire que lui, il sache ce que ça fait et qu'il puisse grandir en petit garçon équilibré.
-Et toi, Nico, tu veux pas sortir un peu ? m'a demandé Fla après Noël. T'as vu personne depuis qu'on est rentrés.
Ouais, j'en ressentais pas le besoin. Flavia est rentrée avant minuit à chaque fois, on a dormi tous les deux, je n'ai pas fait de cauchemars. Bien sûr, ce n'était pas comme avec Tobio ; mais c'était doux, familier, réconfortant, et j'avais pas besoin de plus. J'avais pas envie de plus. Enfin, à une exception près.
-C'est encore ton sugar daddy ? a commenté Flavia en guettant la voiture de José se garer devant chez nous, peu avant Nouvel An. Il va venir tous les ans pour les fêtes, celui-là ?
-C'est pas mon sugar daddy.
-Ouais, bien sûr. Alors c'est quoi tous ces cadeaux qu'il sort de son coffre ?
-C'est pour Rubens.
-Je déduis que tu ne dors pas ici ce soir ?
-C'est toi qui voulais que je sorte un peu.
Elle a fait la moue. Je me doute qu'elle n'apprécie pas vraiment José, même si je ne lui ai jamais raconté les circonstances de notre rencontre. Elle doit se douter qu'il y a un soupçon d'illégalité là-dessous, mais je doute fort qu'elle puisse imaginer à quel point ces premières relations étaient... originales. Bref, j'ai fait entrer José pour la forme, et on est partis tous les deux de notre côté une fois les cadeaux ouverts et les banalités passées. Dans la voiture, il a posé une main sur ma cuisse.
-Ça fait longtemps qu'on ne s'est pas vus, toi et moi.
C'était vrai. J'avais pensé le voir en septembre aux championnats du monde, mais les premières poules s'étaient réparties entre la Bulgarie et l'Italie, et on n'avait pas réussi à se croiser. Sans compter que l'Argentine s'était classée dernière au deuxième tour et avait donc été exclue des finales. Nous, pendant ce temps-là, on s'était hissés au sommet au premier tour, au deuxième tour, au troisième tour et on avait fini par récolter la médaille d'argent. J'ai reniflé, feignant le dédain :
-T'avais qu'à qualifier ton équipe pour les finales du championnat du monde, on se serait vus à Turin il y a trois mois.
-Les gars étaient pas assez motivés.
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Ikaroi
FanfictionEst-ce que ça en valait la peine ? Je ne le saurai sans doute jamais. A présent, je regarde en arrière vers ma liberté perdue, et je voilà ce dont je me souviens : des sourires brillants, des corps d'athlètes, des médailles d'or et des regards de br...