À l'encre de nos rêves

2. Liam

— Bonjour à toutes. Bonjour à tous. J'espère que vous allez bien. Il est 20 h et c'est Bruno sur Hunky Dory*. Un invité très spécial est avec nous ce soir puisqu'il s'agit de Marc Orely pour sa toute première radio.

Les vivats des chroniqueurs ponctuent l'avant-propos de l'animateur qui enchaîne, habitué à rythmer son programme afin de ne pas perdre en audience.

— Marc, bienvenue. Comment tu te sens ? Pas trop nerveux ?

Marc sourit, conscient qu'en plus d'être diffusée en direct sur les ondes, l'émission est également filmée, comme c'est souvent le cas, à notre époque. Depuis l'autre côté de la vitre, j'assiste à l'événement en tant que simple spectateur, en compagnie de Ciel, ce qui n'empêche pas l'angoisse de gronder dans mon ventre par procuration.

— Je suis mort de trouille, avoue-t-il dans un rire. Mais je suis aussi reconnaissant d'être là avec vous.

— C'est nous qui sommes reconnaissants d'avoir la primeur de ton premier live. Alors Marc, ton premier single est sorti il y a quelques semaines et, depuis, on peut dire que tu rencontres un succès phénoménal. Comment tu le vis ?

— Je suis ravi, évidemment. L'accueil du public a été plutôt inespéré pour quelqu'un comme moi qui sort de l'anonymat. J'ai la mauvaise manie d'avoir toujours la tête dans les nuages, mais je suis bien entouré, et mes proches m'aident à garder les pieds sur Terre. Rien n'est encore fait. L'avenir nous dira si les prochains titres plaisent tout autant.

— J'ai eu la chance d'écouter ton album en avant-première et je peux vous dire que c'est un petit bijou, précise Bruno à l'intention de ses auditeurs.

À cette remarque, l'un de ses chroniqueurs lui reproche de ne pas l'avoir fait tourner au reste de l'équipe. S'enchaînent alors des chamailleries de connivences qui donnent à l'émission une ambiance familiale totalement calculée. Marc les observe avec amusement, parfaitement à l'aise au milieu de ces inconnus, maintenant que l'anticipation est derrière lui.

Le voir se réfugier quelque part dans un coin de sa tête, cet après-midi, a été le signal m'informant de son angoisse débordante. Quoi de mieux qu'une bonne baise pour se détendre et mettre nos préoccupations en sourdine ? Cette parenthèse exaltée n'était malheureusement pas compatible avec la possibilité de nous commander ce burger qui lui faisait tant envie, nous nous sommes donc contentés du contenu de notre frigo après nous être succédé dans la salle de bain. La journée s'est ainsi étiolée, ne laissant que peu de temps à Marc pour se préparer. En véritable diva, il s'est malgré tout empressé de vider l'intégralité de son placard sur le lit, les testant devant le miroir, jusqu'à porter son dévolu sur une tenue extravagante et colorée. Alors, subjugué, j'ai vu l'homme disparaître au profit de l'artiste, son trac troqué contre un milliard de paillettes.

Ces mêmes paillettes qui étincellent actuellement dans la lumière du studio tandis qu'il s'installe derrière le micro qui a été calibré spécialement pour sa prestation, au contraire de celui qu'il utilise pour l'interview.

— Ça va aller, Liam, ou tu préfères sortir quelques minutes ?

Surpris par la question de Ciel, je pivote dans sa direction avant de comprendre, face à son expression mi-amusée mi-préoccupée, la raison de sa proposition.

— Je reste, affirmé-je tout en reportant mon attention sur ce qui se passe dans la cabine d'enregistrement.

Marc m'offre un sourire qui fait crépiter mon pouls tandis qu'il cale le casque sur ses oreilles, prêt à chanter sur la bande-son instrumentale de son second single que le public va découvrir pour la toute première fois ce soir.

Soucieux de combler l'espace sonore, Bruno en profite pour faire sa promotion, ne laissant jamais le silence s'installer une seule seconde.

— Son premier album : In the name of Queen* fait son entrée dans les bacs dès demain. Il sera disponible chez tous les revendeurs agréés ainsi que sur les plateformes de téléchargement légal. Flower love, c'est Marc Orely, c'est maintenant et c'est sur Hunky Dory, conclut-il avec des intonations de crooner une fois s'être assuré que son invité d'honneur est prêt.