À l'encre de nos rêves

12. Marc

— Pourquoi ?

Son timbre rauque, presque brisé, me laisse sans voix. Mon cœur, ou plutôt mon âme, me fait mal, comme une brûlure à vif irradiant dans toute ma poitrine. Je sais que je n'ai pas le droit de pleurer, pas quand Liam lui-même ne se laisse pas aller aux larmes, pourtant je suis incapable de m'en empêcher. Quand bien même elles ne suffiront pas à étouffer l'incendie qui me consume.

Cette soirée était si parfaite, peut-être trop parfaite en réalité. J'aurais dû comprendre. J'aurais dû réaliser que quelque chose de spécial se préparait. Et j'ai blessé Liam. Sans le vouloir, sans rien anticiper. Constater sa douleur est ce qui provoque la mienne.

— Pourquoi, Marc ? répète-t-il plus fort, la rage prenant l'ascendant sur tout le reste.

Je secoue la tête dans un refus d'affronter la réalité, comme pour me protéger de ce qui se passe, comme si je pouvais tout effacer. Mais Liam est bien là, sa tristesse grimée en colère, une expression dure et fermée que je ne lui connais pas et qu'il porte comme un masque sur son visage.

— C'est...

Mes mots se coincent dans ma gorge serrée. Par où commencer ? Comment lui expliquer tout ce qui fait que me marier est au-dessus de mes forces ?

— Réponds !

Son éclat me fait sursauter et reculer d'un pas. C'est la première fois que je l'entends hausser le ton, que ce soit avec moi ou avec quiconque. Même au travail, Raphaël dit souvent que Liam terrifie tout le monde de par son attitude sérieuse et son air peu amène.

Mon pouls s'emballe. J'ai peur, oui, mais pas de lui. J'ai peur de ce que je fais naître en lui, de ce qui nous arrive par ma faute, de l'issue intolérable et cauchemardesque qui s'ouvre par-devant nous à cause de mon refus.

— Je ne sais pas quoi te répondre, sangloté-je. Mais ça ne change rien. Ça ne change rien à ce que je ressens pour toi, Liam.

C'est à son tour de secouer la tête sans me quitter de son regard empli de déception, d'amertume... de désillusion.

— Si c'est vrai, alors, parle-moi. Explique-moi.

Sa voix n'est plus qu'un murmure désormais, une supplique. Si épuisée qu'elle me détruit encore plus que son cri d'un peu plus tôt.

— Tu ne me dis rien. Tes insomnies. Tes cauchemars. Ton refus... Et alors quoi ? Je dois me contenter de tes silences ? De tes non-dits ? De tes secrets ?

Son torse se soulève sur un soupir las et silencieux.

— La vérité c'est que tu me tiens à l'écart, Marc. Tu me tiens à l'écart de ta vie. J'ai voulu croire que ce n'était pas important, mais je me trompais. Peut-être que c'est juste moi qui ne suis pas assez important pour toi.

— C'est faux !

Je me rebiffe face à sa conclusion intolérable. Comment peut-il penser une telle chose alors que je l'aime plus que moi-même ? Qu'il est mon ancre. Qu'il m'offre la stabilité dont j'avais besoin et, qu'à ses côtés, j'ose croire en un avenir meilleur.

Je suffoque. La panique s'infiltre peu à peu en moi, me donnant l'impression de mourir un peu plus à chaque seconde qui passe. J'ai beau vouloir y croire, je ne parviens pas à concevoir une issue favorable à cette confrontation qui nous oppose.

Nous qui n'avançons qu'ensemble, comment pouvons nous nous en sortir quand nous ne sommes plus une équipe, mais des adversaires qui s'affrontent ? Je ne veux pas me battre pourtant, je ne veux pas perdre non plus. Je ne veux pas le perdre lui.

And I find it kinda funny, I find it kinda sad
The dreams in which I'm dying are the best I've ever had
I find it hard to tell you, I find it hard to take
When people run in circles it's a very very
Mad world, mad world