— Alors, Marc, comment allez-vous aujourd'hui ?
Je ne peux pas m'empêcher de lever les yeux au ciel à la sempiternelle question de mon thérapeute qui sourit en réponse, amusé par mon comportement. Je devrais pourtant y être habitué puisque nous faisons toujours le point sur la situation et les progrès réalisés à chaque début de rendez-vous avant de commencer la séance à proprement parler.
— J'avais oublié à quel point venir ici était ennuyeux. Je ne vous aurais pas recontacté sinon...
— Ce qui aurait été bien dommage. Je me félicite que vous ayez fait la démarche de revenir vers moi. Se lancer dans une thérapie est difficile, mais recommencer après plusieurs années l'est encore plus. Vous pouvez être fier de vous, Marc.
Je ne peux m'empêcher d'être dubitatif. Fier ? Fier d'avoir besoin d'un soutien psychologique ? Il n'y a pas de quoi être fier. C'est en tout cas tout sauf le sentiment qui m'habite. Là où il a raison cependant, c'est que le contacter après tout ce temps a été une décision difficile à prendre... à encaisser surtout. C'était admettre, d'une certaine manière, que je ne guérirai jamais complètement. Un peu comme une personne luttant contre le cancer à qui on annoncerait, au mieux, une rémission, mais jamais une guérison... ou seulement après une longue période sans réapparition des symptômes. Malheureusement, les miens n'ont jamais disparu, ne faisant que se raréfier avant de revenir me submerger avec force. Mes traumatismes sont semblables à des métastases qui colonisent mon esprit et mes humeurs, et j'ai peur qu'un jour, elles gagnent la partie et parviennent à me détruire entièrement.
Avec un soupir las, je refoule mes idées noires, soucieux de tirer le meilleur parti de cette session. Les progrès sont déjà notables depuis notre première séance, il y a de cela presque deux mois déjà, après la fin de ma tournée et mon retour à Paris. Et ce sont ces petites améliorations qui me motivent à persévérer dans ma psychanalyse. Pour mon bien-être personnel évidemment, mais aussi pour Liam qui a été un soutien sans faille durant tout ce temps.
— Je vais... bien ?
— C'est une affirmation ou une question ? me nargue aussitôt mon psy afin de me pousser dans mes retranchements comme il le fait toujours.
C'est d'ailleurs cette façon bien à lui qu'il a de me répondre qui a matché dans notre relation soignant-soigné. Avant lui, j'ai rencontré deux autres psychiatres avec qui je ne me suis jamais senti suffisamment en confiance pour donner suite. J'étais d'ailleurs sur le point d'abandonner l'idée d'une thérapie lorsque je l'ai rencontré.
— Comment suis-je censé répondre ? ronchonné-je sur la défensive. Il me semble évident que je ne serais pas ici, si j'allais bien. Vous ne croyez pas ?
Malgré mes propos un peu brusques, je parviens à garder une intonation égale. Il n'est pas mon ennemi ici. Je suis mon seul ennemi.
Nerveux, je commence à jouer de mon pouce avec l'alliance qui ne quitte plus mon annulaire depuis que Liam l'a fait ajuster, la faisant tourner autour de ma phalange afin de m'ancrer dans l'instant présent, puisant dans ce geste le réconfort dont j'ai besoin.
— Alors ne me dites pas que vous allez bien. Dites-moi à la place ce que vous ressentez vraiment, vos soucis, vos angoisses, vos joies aussi...
J'inspire puis expire lentement, mis en confiance par la patience du docteur Lemoine, et prends le temps d'analyser mes émotions afin de les verbaliser.
— Je vais mieux. Je dors mieux même si mes cauchemars demeurent récurrents.
Aborder ce sujet me donne l'impression d'un étau me comprimant la poitrine, rendant ma respiration plus difficile et lourde.
VOUS LISEZ
À l'encre de nos rêves
RomansaLe rêve de Marc se réalise enfin tandis que sa carrière de chanteur prend doucement son envol. Son premier album est un succès inespéré. Difficile pour lui de garder les pieds sur terre alors que tout son quotidien est bouleversé. Heureusement, il p...