À l'encre de nos rêves

11. Liam

AMOUR

Rien ne se passe.

Je tourne trois des cinq anneaux.

Clic. Clic. Clic.

AIMER

Toujours rien.

La frustration l'emporte tandis que je ferme les yeux, tout en me massant l'arête du nez. Réfléchis, Liam, réfléchis !

— T'es encore là dessus ?

— N'en rajoute pas, Raël ! soupiré-je de dépit en reposant précautionneusement le cryptex dans son écrin.

Je commence sérieusement à désespérer après deux mois à tenter de déchiffrer l'énigme de Marc quasi quotidiennement.

— Je suis censé lui demander sa main ce soir, mais je ne suis pas foutu de décrypter ce truc. Qu'est-ce que ça dit de moi, hein ? Que je ne le connais pas assez ? Que je ne l'aime pas assez ?

Je ne suis pas seulement désespéré finalement, je suis également pathétique. Je soupire à nouveau, plus fort, et secoue la tête de lassitude.

Les mains encombrées de notre repas, mon meilleur ami m'offre une moue compatissante avant de se délester sur mon bureau.

— J'aurais plutôt tendance à penser que ton twink a mis le niveau un peu haut avec sa devinette. De toute façon, qui fait ça ? Offrir une épreuve digne d'un escape game à son compagnon afin d'obtenir son vrai cadeau.

— Ne l'appelle pas comme ça, marmotté-je sans faire preuve de beaucoup d'énergie.

N'ayant pas réussi à me faire réagir avec ce surnom que je déteste, Raphaël dispose les barquettes de nourriture sur le plateau tout en analysant la note écrite de la main de Marc.

— De Picasso à Obispo, lit-il à voix haute. Je ne suis pas très calé en art, mais peut-être qu'ils ont une œuvre du même nom ou un truc du genre ? Attends, je regarde sur internet... Pedro... Picasso...

Mes yeux s'arrondissent tout en l'observant tapoter sur son écran tactile. Je suis si éberlué que la mâchoire m'en tomberait si j'étais un personnage de cartoon.

— Tu blagues, pas vrai ? Je t'en prie, dis moi que tu le fais exprès pour me faire rire.

Ses sourcils qui se froncent d'incompréhension répondent pour lui, faisant s'arrondir un peu plus mes yeux si tant est que cela soit possible.

— Pablo ! C'est Pablo Picasso, triple buse ! Pas Pedro. Et avant que tu ne massacres son prénom, c'est Pascal Obispo.

— Peu importe, élude-t-il. Tu as essayé « talent » ?

— Talent contient six lettres, le cryptex n'en comporte que cinq.

Mon découragement clairement audible dans mes mots, je m'empare de ma boîte repas et commence à manger.

— Pourquoi pas « musique » ?

— Raël ! râlé-je, la bouche à moitié pleine de riz. Cinq lettres je te dis.

— Bah « music » alors, réplique-t-il de son plus bel accent anglais.

Je cesse instantanément de manger, le temps d'intégrer sa proposition, puis avale tout rond et m'empare du cylindre de bronze pour en tourner les anneaux.

Clic. Clic. Clic. Clic. Clic.

Rien.

Je ne cherche même pas à camoufler ma déception. Tout mon corps s'affaisse. Ma poitrine se comprime désagréablement.