33. Liam

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J'ouvre les yeux sur l'obscurité sans parvenir à comprendre la raison de mon réveil. Désorienté, je me demande l'espace d'un instant où je me trouve avant que mon cerveau ne se reconnecte à la réalité.

Instinctivement, je cherche la chaleur du corps de Marc, comme un enfant le ferait de son doudou afin de pouvoir s'endormir. Le lit est vide. Sans surprise, malheureusement.

Ses nuits sont de nouveau compliquées depuis notre conversation au presbytère et la résurgence de ses souvenirs éprouvants. Mon estomac se tord douloureusement. Jamais je n'aurais dû réagir de la sorte. J'ai vrillé. Totalement. Je m'étais promis d'être fort et de le soutenir. J'ai échoué.

Parfaitement éveillé à présent, je jette mes pieds par-dessus le bord du matelas et tâtonne à la recherche de mes vêtements. La dernière chose dont j'ai besoin serait de croiser Agathe en caleçon. Frissonnant à cette terrifiante perspective, je frictionne mes bras avant de me diriger le plus discrètement possible vers l'escalier qui, malgré toutes mes précautions, grince à chacun de mes pas. Tendu à l'idée de réveiller Agathe, je poursuis néanmoins ma descente jusqu'au rez-de-chaussée.

Les pavés sont glacés sous mes pieds nus. L'oreille aux aguets, je scrute les ombres de la maison à la recherche de la silhouette de Marc ou du moindre son pouvant trahir sa présence, mais tout est silencieux et immobile dans la nuit noire.

Après avoir fouillé le salon et la cuisine, l'espoir de le retrouver m'abandonne, vite remplacé par une angoisse sourde et pesante dont je ne parviens pas à me débarrasser. Le manoir familial est immense. Autant chercher une licorne dans les écuries de François.

Je divague.

Plissant les yeux pour tenter de percer l'obscurité, je me dirige vers le vestibule où je déniche mon premier indice. Mes chaussures sont aussi esseulées que je le suis. Marc est donc sorti.

De plus en plus soucieux, je me chausse en quatrième vitesse. Marquant un temps d'arrêt sur le seuil, je savoure la fraîcheur de la nuit sur ma peau et respire à pleins poumons l'air pur chargé de l'odeur des chevaux et de la forêt.

Je rallie l'allée, scrutant les alentours avec concentration. Le chant des insectes accompagne le crissement de mes pas sur le calcaire.

— Liam ? Qu'est-ce que tu fais là ?

Il me faut quelques minutes pour repérer d'où provient sa voix et le rejoindre pour de bon. Je serais sans doute passé à côté de lui sans le voir s'il ne m'avait pas interpellé.

Allongé sur une couverture à même l'herbe humide, son corps à demi redressé se découpe à la lumière de la Voie lactée et du quart de lune. Même dans cette pénombre bleutée, je le trouve sublime.

— C'est plutôt à moi de te poser la question. Tu as fait un cauchemar ?

— Non. Je t'aurais réveillé sinon. C'était notre deal, tu te souviens ?

Son ton amusé dissipe un tant soit peu mes angoisses. En dehors du fait qu'il ne dort pas, il semble aller mieux que je ne le craignais, surtout en considération des derniers événements. Il se décale en une invitation silencieuse à le rejoindre, ce que je fais de bonne grâce, trop heureux de me lover contre lui sous la voûte étoilée.

— Que fais-tu dehors en plein milieu de la nuit dans ce cas ? insisté-je.

Sa chaleur se mêle peu à peu à la mienne, le parfum de sa peau embaumant mon oxygène de la plus enivrante des façons.

Depuis notre arrivée, nous avons mis notre intimité entre parenthèses, nous contentant de nous embrasser chastement et de nous blottir l'un contre l'autre le soir venu, à l'abri des regards indiscrets. Pas par honte ou réserve du fait des préjugés de sa mère – ou en tout cas pas seulement –, mais surtout parce que l'ambiance ne s'y prêtait pas, l'état émotionnel dans lequel nous sommes nous rendant davantage nécessiteux de réconfort et de tendresse que de sexe débridé.

À l'encre de nos rêvesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant