22. Liam

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Plusieurs semaines plus tard...

J'ai besoin d'un nouveau portable.

— Bonjour à toi aussi, ô sœur bien aimée.

Les bras à demi croisés, ma main droite tenant mon téléphone, je m'adosse contre mon fauteuil, sachant par avance que cette conversation va m'épuiser.

Roh, ce que tu peux être tatillon quand tu t'y mets, on dirait un daron ! Bref, si tu veux. Bonjour grand frère adoré. Ça va ? Sérieux... cette question on en parle ? Tout le monde te la pose sans attendre de réponse honnête de ta part. C'est tellement hypocrite. Bah en tout cas, si tu me la poses en retour, sache que ça ne va pas ! Mon portable est mort, il m'en faut un autre de toute urgence.

J'inspire profondément pour m'exhorter, au calme. J'adore Leïa. J'adore Lucy tout autant d'ailleurs. Je les adore tellement que je donnerais ma vie pour elles, me saignerais aux quatre veines, leur ferais don de mes organes s'il le fallait. Pourtant, depuis la conversation que j'ai eue avec Marc à Noël, je commence à prendre conscience qu'à trop les gâter, elles en perdent le sens des réalités. Pire encore, je réalise qu'elles ne me contactent jamais que par intérêt, comme si à les aimer trop, elles ne savaient plus m'aimer en retour.

— Si j'étais réellement ton père, j'ose espérer que tu me respecterais un peu plus.

Mon cœur se contracte douloureusement, le manque de notre père se rappelant cruellement à moi chaque fois que je fais appel à sa mémoire. Des images des moments partagés parasitent le fil de mes pensées, me laissant un sourire nostalgique et un peu triste aux lèvres.

Pourrais-je un jour penser à lui sans ressentir ce maelstrom d'émotions ?

— Et pour ce qui est de savoir comment je vais, dois-je comprendre que tu n'en as rien à faire ?

Tu déformes mes propos, s'insurge-t-elle vivement.

Je ne réponds pas aussitôt, attendant naïvement qu'elle me demande de mes nouvelles en bonne et due forme, mais rien ne vient, provoquant un autre de mes soupirs.

— D'accord, donc... ton portable est HS ?

Oui, c'est pour ça que je t'appelle.

— Mais si tu m'appelles, c'est que ton téléphone fonctionne...

Un panaché de jurons s'envole jusqu'à moi, bien qu'étouffé par la distance, preuve que ma sœur a éloigné son cellulaire.

Liam... Tu ne comprends pas ! Il va avoir deux ans. Ce qui équivaut à une éternité technologiquement parlant.

Pinçant l'arête de mon nez, je m'oblige à inspirer lentement, mais profondément par le nez.

Depuis que j'ai reçu cet appel de Sam, le mois dernier, toute ma vie est chambardée. J'ai perdu tous mes repères et toutes mes certitudes. Marc était au plus mal, depuis des mois, et je n'ai rien vu. La multiplication de ses cauchemars et de ses absences n'était pourtant pas passée inaperçue, mais ce n'était que la partie visible de l'iceberg. À aucun moment je ne m'étais imaginé tout ce qui se cachait sous la surface. Et je suis parti. Je l'ai abandonné au moment où il avait le plus besoin de moi, comme Ciel l'avait suggéré lors de la première radio de Marc.

Même si nous ne sommes pas encore officiellement mariés – et que nous avons pris la décision de mettre de l'ordre dans nos vies avant de franchir cette grande étape – nous nous sommes d'ores et déjà engagés à nous soutenir mutuellement pour le meilleur et pour le pire.

Et, du meilleur et du pire, nous en avons eu au cours des dernières semaines, comme ce moment de liesse inoubliable lors de son tout dernier concert à Paris auquel tous nos amis ont pu assister, ou ce jour bouleversant où je l'ai accompagné à son tout premier rendez-vous chez le docteur Lemoine.

À l'encre de nos rêvesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant