8. Liam

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À mi-chemin entre le royaume des rêves et le monde réel, je savoure la chaleur et le confort du lit, mon esprit encore embrumé de volutes oniriques et disparates. Mon corps est délicieusement engourdi, mon pouls paisible à l'instar de ma respiration. Je me sens bien.

Un sourire idiot aux lèvres, je pivote afin d'enlacer mon compagnon, palpe le matelas esseulé pendant de longues secondes avant que l'information ne perce et disperse le blanc cotonneux de ma pensée. Marc n'est pas là, et si j'en crois la fraîcheur régnant de son côté, il a déserté depuis un moment.

La constatation de son absence finit de me réveiller. Pas parce que je suis surpris, malheureusement ; il n'est pas rare qu'il disparaisse au beau milieu de la nuit.

Il fait sombre, le soleil n'est pas encore levé et, en dehors de la couverture, il fait froid. Il est tôt. Trop tôt pour un lendemain de fête en tout cas. Trop tôt pour un jour férié et chômé.

Rejetant ces idées déprimantes, je fais appel à tout mon courage pour me lever et enfiler un bas de jogging ainsi qu'un t-shirt élimé avant de me traîner vers le salon.

Et comme toujours, il est là, avachi dans le minuscule canapé deux places du loft, ses genoux surmontant l'un des accoudoirs, laissant ses pieds pendre dans le vide. Ses yeux clos, sa petite frimousse dont les cheveux châtains sont éparpillés sur l'un des coussins, ses écouteurs sans fil enfoncés dans les oreilles. Tout dans sa posture donne l'impression qu'il dort, mais je sais qu'il n'en est rien.

Ses nuits d'insomnies sont courantes. Peut-être plus encore ces dernières semaines. Dans ces moments-là, il s'isole pour ne pas perturber mon sommeil. J'aimerais pourtant tellement qu'il le fasse, qu'il se blottisse contre moi, puisant dans ma présence et ma chaleur le réconfort dont il a besoin, qu'il me confie l'essence de ses cauchemars, la nature des démons qui le hantent.

Qu'a-t-il bien pu endurer dans ce passé dont j'ignore tout ? Y a-t-il un lien entre ses angoisses et sa rupture familiale ?

Je lui ai si souvent posé ces questions – du moins au début – avant d'abandonner, à sa demande. Je le respecte trop pour insister, pourtant devoir rester dans l'ombre sans avoir l'occasion de le ramener dans ma lumière me broie le cœur chaque jour un peu plus. Je me sens si impuissant face à cette détresse qu'il souhaite affronter seul.

Mettant de côté mes tourments insignifiants, je m'approche. Soucieux de ne pas le surprendre, je déplace délicatement ses jambes et m'installe près de lui avant de les caler sur mes cuisses. Un sourire soulève la commissure de ses lèvres sans qu'il n'ouvre les yeux.

— Hey !

Sa voix est douce et basse, comme pour ne pas briser la quiétude de l'instant.

— Hey, murmuré-je en réponse, mon timbre grave ne reproduisant pas son exploit.

— Je t'ai préparé du café.

Cette fois, son regard inimitable m'apparaît et me transperce, faisant se précipiter mon pouls.

— Tu es réveillé depuis longtemps ?

Son nez se fronce à la question avant qu'il ne se redresse, ne pivote et ne se réinstalle, à l'envers, la tête sur mes cuisses, les jambes pendant de nouveau dans le vide par-dessus l'autre accoudoir du canapé. Il se débarrasse alors de ses airpods qu'il pose délicatement sur la table basse puis ancre ses prunelles aux miennes. Je ne résiste pas à la tentation et emmêle mes doigts à ses mèches indisciplinées, lui donnant un air plus enfantin encore.

— Je ne sais pas trop. Le temps de deux albums de Queen je dirais.

— Lesquels ? Du genre de leur tout premier* ?

À l'encre de nos rêvesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant