— Bénissez-moi, mon Père, parce que j'ai péché.
À genoux dans le confessionnal de la petite église de quartier située à quelques rues de chez Sarah Leroy, mon pouls déraille et ma tête tourne. J'ignore pourquoi mes pas m'ont conduit ici ni ce qui m'a poussé à entrer dans l'isoloir, pourtant mes mots s'envolent avec la force d'une habitude que je pensais oubliée depuis longtemps.
— Seigneur, tu sais tout, tu sais que je t'aime.
La lumière qui filtre à travers la grille ouvragée ne suffit pas à dissiper l'obscurité qui invite au repentir et aux aveux. Cette disposition permet aussi un anonymat total, une neutralité objective du prêtre que je devine de l'autre côté de la fine cloison. Un peu comme dans The Voice où le jury ne peut se baser que sur l'interprétation vocale du candidat sans se laisser distraire par son apparence.
Nom d'une épine de cactus, suis-je vraiment en train de comparer l'acte de confession à une émission télévisée ?
— Mon Père, je ne me suis pas confessé depuis une éternité. Les mois sont depuis longtemps devenus des années. C'est la peur qui m'a empêché de revenir dans la maison de Dieu.
— « Il n'y a point de crainte dans l'amour ; mais l'amour parfait bannit la crainte, car la crainte suppose un châtiment ; celui qui craint n'est pas parfait dans l'amour. Nous donc, aimons Dieu, puisque Dieu nous a aimés le premier. »*
La voix du prêtre soulève ma peau d'un frisson violent qui me glace l'échine. Mon estomac se contracte de terreur sans que je n'arrive à en identifier la cause. Il y a une étrange familiarité qui émane de cet instant et, si mon corps en ressent les effets, mon esprit ne parvient pas à rassembler les morceaux du puzzle et m'éclairer quant à la raison de mon trouble.
— Ma foi et mon amour pour Dieu ne souffrent aucune limite, c'est envers les représentants de son église que ma confiance est brisée.
— L'église est au seul service de Dieu.
Je garde pour moi mes réserves quant aux dérives de la religion portées par les Hommes. Je ne suis après tout pas ici pour débattre.
— Mon Père, j'ai péché par excès de gourmandise. J'ai repris trois fois de la bûche ce soir, sans parler des petits sablés et du chocolat chaud.
Le prêtre reste silencieux, aussi je continue sur ma lancée, confessant chaque manquement à ma foi, de ma vanité manifeste à tenter de faire carrière dans la chanson, à mon manque de piété, mes prières s'étant faites plus rares au cours des dernières années, en passant par l'agacement que je ressens trop facilement au contact de mes collègues et de mes belles-sœurs.
— Mon Père, je m'accuse de tous ces péchés. J'en demande pardon à Dieu, et à vous, mon Père, pénitence et absolution, si vous m'en jugez digne.
De nouveau le silence me répond, instillant dans mes veines une angoisse sourde et délétère qui me submerge en quelques secondes.
— Est-ce bien tout ? N'es-tu pas coupable d'autres péchés sinon bien plus mortels ?
Je me sens chuter sans pourtant que mon corps ne tressaille. Comme un saut de l'ange de mon âme qui se fracasse au sol, dispersant ça et là ses morceaux abîmés.
Cette voix si tristement familière se pare d'un visage qui m'a trop longtemps hanté. Le vantail qui nous sépare s'entrouvre alors, comme pour me confirmer mon pressentiment, me donnant l'impression sordide que mon sang s'est évaporé face à ce bourreau de mon passé.
— N'es-tu pas coupable, Marc, du péché contre nature d'homosexualité ?
Un étrange instinct de survie se réveille en mon sein, me forçant à puiser en moi la force de me lever et fuir au plus vite cet endroit et ainsi me soustraire au regard dur et tranchant du prêtre.
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À l'encre de nos rêves
RomanceLe rêve de Marc se réalise enfin tandis que sa carrière de chanteur prend doucement son envol. Son premier album est un succès inespéré. Difficile pour lui de garder les pieds sur terre alors que tout son quotidien est bouleversé. Heureusement, il p...