— Les enfants ? Mignons ? T'as des enfants ? Non, parce que c'est pas mignon les enfants !
— Bon ! On va s'arrêter là pour ce soir. Je crois qu'on a tous besoin d'une pause. Reprise demain matin avec un brainstorming histoire del dégrossir les idées. Rentrez tous chez vous. La journée a été longue.
Suite à l'annonce de Raphaël, nos collaborateurs ne se font pas prier, se hâtant de rassembler leurs affaires et de déguerpir, non sans me jeter des œillades inquiètes, ce qui a le don de me contrarier d'autant plus. Je ne suis pas un tyran, je déteste simplement perdre mon temps dans des réunions mal préparées.
— Alors comme ça, les enfants ne sont pas mignons ? s'enquiert mon meilleur ami une fois que nous sommes seuls.
— Pas ce soir, Raël ! Je ne suis pas d'humeur.
— Sans blague ? Heureusement que tu me le dis, je n'avais pas remarqué.
— Raël !
— Si tu penses que je vais renoncer parce que tu grognes, tu te fourres la patte dans l'œil. Je te connais trop bien, Liam ! Qu'est-ce qui ne va pas ?
Je lui offre l'expression la plus désabusée de mon répertoire face à sa comparaison animalière. Je n'ai pas envie de parler. Je n'ai même rien à dire de particulier. Jerry n'avait pas suffisamment préparé sa présentation. Fin de la conversation.
Buté, je croise les bras et le fixe dans une attitude censée le dissuader d'insister. Loin d'être impressionné, il pivote davantage vers moi et imite ma position sans pour autant se départir de son sourire patient.
— J'ai surpris des discussions autour de la machine à café. Tu mets tellement tout le monde à cran depuis quelques semaines qu'ils ont hâte que tu partes en télétravail. Nous allons finir aux prud'hommes si tu persistes à t'énerver sur eux sans raison.
Son annonce a le mérite de me secouer. Un profond sentiment d'injustice résonne dans mon esprit : je suis certes dur, mais je m'efforce de rester juste en toutes circonstances. Puis je me remémore mes éclats de colère et mon manque de patience, et la culpabilité m'envahit. Je dois me rendre à l'évidence, je suis irritable, grincheux. Mes collaborateurs n'ont pas à subir mes humeurs de la sorte. Heureusement, je suis suffisamment mature pour reconnaître mes torts.
— Je suis désolé d'être un tel connard. Je m'excuserai directement auprès de l'équipe dès demain. Tu peux compter sur moi, ça ne se reproduira plus.
— Je n'en attends pas moins de toi, se réjouit Raël en me tapotant l'épaule. Mais je ne suis pas là pour te sermonner. Je ne suis plus ton boss. On est un binôme, tu te souviens ? Au travail et en amitié. Tu peux me parler si tu as des problèmes. Tu peux aussi prendre quelques jours de repos. Il va bien falloir qu'on apprenne à se passer de toi quand tu partiras en tournée avec ton mec.
— Je serais en télétravail comme tu l'as si gentiment rappelé il y a quelques secondes, trou du cul ! répliqué-je, adouci par sa bravade amicale. Je ne sais pas pourquoi je suis une telle tête de nœud. Je vais bien. Vraiment.
— Sarah ?
Je soupire, sans pour autant être capable d'arrêter de sourire, faussement las de l'interrogatoire en règle qui m'attend. Plus qu'un ami, Raël est devenu, au fil des années, le frère que je n'ai jamais eu.
— Maman, va bien. Tu lui manques, mais elle va bien.
Il hoche la tête, comme pour m'indiquer qu'il a enregistré l'information et, le connaissant, il fera en sorte de lui rendre visite dès que possible.
— Les jumelles ?
— Elles vont bien aussi. Elles se tiennent à carreau comme elles le font invariablement à l'approche des fêtes. Elles croient peut-être encore au père Noël, qui sait !
VOUS LISEZ
À l'encre de nos rêves
RomanceLe rêve de Marc se réalise enfin tandis que sa carrière de chanteur prend doucement son envol. Son premier album est un succès inespéré. Difficile pour lui de garder les pieds sur terre alors que tout son quotidien est bouleversé. Heureusement, il p...