16. Liam

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— Qu'est-ce que tu fous encore là ?

Levant les yeux de mon écran, j'offre une expression désabusée à mon associé qui me fusille du regard.

— Dis-moi Raël, va falloir que tu penses à tirer ton coup parce que ton humeur ne s'arrange vraiment pas.

— Liam, je suis sérieux !

Conscient qu'il ne me lâchera pas, je sauvegarde mon dossier puis ferme le capot de mon ordinateur portable afin de lui offrir ma pleine et entière attention.

— Je t'écoute, quel est le problème ?

Lèvres pincées, visiblement échaudé à l'idée de m'expliquer le fond de sa pensée, Raphaël finit par capituler, fermant la porte de mon bureau derrière lui afin de nous octroyer un semblant d'intimité.

Il n'est pas encore dix-huit heures, et même si la plupart de nos collaborateurs sont déjà partis, d'autres traînent encore dans les parages. La dernière chose dont nous avons besoin, c'est que des cancans circulent sur les deux co-dirigeants de l'agence.

— Liam, toi et moi, nous sommes amis, pas vrai ?

— Ok cette fois tu me fais peur. Qu'est-ce qui se trame dans ta petite tête Raël ? Évidemment qu'on est amis. Et avant que tu ne continues avec des phrases plus clichées les unes que les autres : OUI, évidemment que tu peux tout me dire !

Comme prévu, il se renfrogne face à ma brusquerie. Si j'abhorre hausser le ton, je n'aime pas non plus les circonlocutions. S'il a quelque chose à me reprocher, qu'il le fasse une bonne fois pour toutes, qu'on puisse tous les deux passer à autre chose.

— J'avais oublié à quel point tu peux te comporter en connard parfois, gronde-t-il sans se défaire de son regard incendiaire.

— Rien de nouveau jusque-là.

Je me retiens de rire face à son air revêche. Si un regard pouvait tuer, je serais déjà six pieds sous terre.

— Je déteste que Marc et toi vous soyez disputés, voilà !

Le semblant d'amusement qu'il avait fait éclore en moi s'évapore instantanément. C'est à mon tour de me renfrogner.

— On ne s'est pas vraiment disputés.

— Justement ! C'est bien le problème. Tu as préféré prendre le large plutôt que de mettre les choses à plat avec lui.

Le soupir qu'il exhale semble venir du plus profond de son être, me faisant réaliser que son humeur n'est que le fruit du souci qu'il se fait à mon égard.

— Écoute, je vois bien que tu es malheureux comme les pierres depuis bientôt deux semaines, ajoute-t-il en se laissant tomber sur une chaise.

Il fronce les sourcils, apparemment perturbé par ses propres propos.

— C'est ridicule cette expression. Comment une pierre pourrait-elle être malheureuse ?

Je ne peux rien contre le rire qu'il me vole. Malgré ses efforts, il use de technique de diversion dans son inconfort à me confronter.

— C'est une métaphore. Imagine-toi deux secondes à la place des pierres écrasées sous les chaussures des passants sans rien pouvoir faire sinon subir en silence... Ne serais-tu pas malheureux ?

Bras croisés, je lui offre un regard suffisant, le défiant de faire le moindre commentaire concernant mon explication culturelle. Nous savons tous les deux que le sujet n'est pas là.

— Tu fais le malin, mais en attendant, t'es toujours là à errer comme une âme en peine plutôt que d'aller rejoindre l'homme que tu aimes. Et je ne serais pas ton ami si je n'étais pas présent pour te dire quand tu merdes ! Alors bouge toi, putain ! C'est pas toi qui dis toujours que la vie est trop courte et qu'on en a qu'une ? N'attends pas qu'il soit trop tard...

À l'encre de nos rêvesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant