Chapitre 13

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Le lendemain, ma première pensée est pour Andy. Mes mains sur sa peau m'ont fait frémir. Une tension dans la pièce était palpable. Je n'avais jamais eu ce genre de pensée sur mes autres patients.
Je me relève et je fais un brin de toilette quand j'entends mon téléphone vibrer, un message.

J'ai passé une agréable soirée.
Je souris.
Moi aussi, Alex. Au plaisir.
Ce soir?

Je passe à la suite du plan, ne pas lui répondre, autant dire que c'est une torture. Tout en moi me pousse à lui répondre et à attendre sa réponse. Je me vois textoter avec lui toute la journée, mais ce ne serait pas prudent. Il va encore fuir.
La matinée au cabinet a été psychologiquement un calvaire, je n'ai pas cessé de regarder mon téléphone. Je me sens si pathologiquement atteinte. J'aimerais être normale, me détacher émotionnellement de mes pulsions, mais je me sens prisonnière. Mes épaules s'affaissent, je n'y arriverai jamais. Quelqu'un frappe à mon bureau, je l'invite à entrer, mes yeux se posent sur Andy.

— Je ne te dérange pas ?
J'esquisse un sourire et hoche négativement la tête.
— Donne-moi ton téléphone.
— Pourquoi ?
— Je suppose que tu l'as trifouillé toute la journée. Tu as eu ta dose.
J'explose de rire et je lui tends.

— Comment va ta lésion ?
— Plus mal, merci Doc.
Je souris.
— As-tu quelque chose de prévu ce soir ?
— Alex aimerait qu'on se voit.
— Donc tu n'as rien de prévu.
— Non.

On rejoint ma voiture, il souhaite prendre le volant. Je repense à la conduite de Rosa et je refuse. Mais à force de persuasion, j'accepte. Nous roulons en direction du Bronx. Cette ville est très singulière, bien loin des lieux que je foule.
On descend devant une usine désaffectée, je le suis avec des aprioris. Il finit par s'en apercevoir et me prend le bras.

Quand on pénètre dans les lieux, c'est un atelier d'artistes, des œuvres sont exposées, des visiteurs flânent de pièce en pièce. Je me laisse submerger par cette ambiance artistique. Il me ramène vers une pièce, plusieurs personnes le saluent. On entre dans ce qui semble être sa partie de l'usine. Il enlève son pull et le pose dans un coin de la salle. Il se saisit d'une palette et y dépose plusieurs couleurs. Je suis la scène avec attention. Il m'invite à me rapprocher, ce que je fais. C'est un tableau qu'il avait commencé.

— C'est ton métier, artiste peintre ?
— Tu trouves que c'est en dessous des autres professions ?
— Non, bien sûr que non. C'est très atypique.
Il ricane.
— Mademoiselle n'a pas l'habitude de fréquenter des hommes fauchés.
— C'est faux. Certains artistes sont très connus.
— Cite-moi s'en un ?
— Picasso.
Il explose de rire.

Il se saisit de pinceau, et continue de peindre sa toile. Je reste derrière lui. Ma présence semble ne pas le gêner, il est immergé dans sa peinture. J'observe ses mains, créer une œuvre.

— Tu veux essayer ?
— Quoi ? Moi ? Non, je vais saccager ton magnifique tableau.
— Tu y apporteras ta touche personnelle.
Je souris.

Il me laisse sa place, et me tend un pinceau. C'est si improbable, ma présence dans cet atelier avec lui. Je m'essaye à certains reliefs, je me trouve nulle. Mais il me pousse à continuer, je me laisse aller, des émotions me submergent, mon enfance, mes relations avec les autres. Je finis par craquer, et je lâche les pinceaux. Je sens ses mains se poser sur mes épaules, et me caresser la nuque. Une douce chaleur se diffuse en moi. Ses mains réchauffent chaque parcelle de peau qu'elle touche.

— Il faut libérer ses émotions pour faire de grandes choses.
Il me tend mon téléphone.

— Tu peux y aller.
— Quoi ? Comme ça ?
— Tu veux rester avec un type fauché et qui change de nana comme de chemise ?
— Dis comme ça, je vais rentrer.
Il rit.

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