Chapitre 16

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Je finis de ranger mon bureau, je ferme la porte de mon cabinet. Avant d'ouvrir la portière de ma voiture, je fixe de nouveau mon téléphone. Trois jours qu'Andy ne m'a pas contacté, Alex quant à lui s'en donne à cœur joie. Il passe ses nuits au téléphone en ma compagnie. Je me surprends à rire de ses blagues houleuses.
Il n'y a aucune notification, l'envie est trop forte, j'ignore ce mot qui me définit. Je compose son numéro, il décroche.

— Trois jours, bravo.
— Tu sais quoi, tu n'es qu'un sale connard.
— Ouh, on se lâche, beauté.
— Va te faire voir.
Je raccroche.

Mes mots ont dépassé ma pensée, je me sens honteuse d'avoir perdu le contrôle de mes émotions. Il rappelle.

— Tanya...
Je l'entends souffler fort.

— Pourquoi tu te mets dans cet état ?
— Pour rien, c'est idiot. Je vais te laisser.

Il n'a pas rappelé, je suis rongée par cette envie de l'appeler et d'implorer son pardon pour mon comportement. Je frappe mes mains contre le volant, je ne me supporte plus. J'aimerais avoir assez d'amour-propre pour l'envoyer bouler définitivement. Mais j'en suis incapable, je cherche encore à vouloir qu'on m'apprécie à ma juste valeur. Mais de la valeur, je ne m'en donne pas, je suis toxique.

Le reste de la soirée, je déprime sur mon canapé, ressasse cette conversation houleuse. Je me saisis de mon téléphone, je compose son numéro, il ne décroche pas. Je perds totalement pied, une douleur envahit mon cœur.
Je me rends chez lui à nouveau, je poursuis mon parcours de fille toxique, étouffante. La porte s'ouvre, il ne semble pas ravi de ma présence. Je me désagrège, mes larmes se mettent à couler.

— Tu n'es qu'un idiot.
— Tu ne veux pas aller mieux. Tu continues de reproduire les mêmes erreurs. Putain, je ne suis rien pour toi. Arrête de m'appeler mille fois ou de m'envoyer des dizaines de textos. Tu es étouffante, destructrice.

Sa réponse me brise viscéralement, je m'adosse au mur, j'ai peur de tomber. Ses mots sont d'une violence inouïe. Aucun ne m'avait dit tout haut ce qu'il pense tout bas.
Tout me renvoie à des événements douloureux. Je suis obnubilée par mes souvenirs. Je sens mes joues inondées de larmes. Il m'attire à lui et me prend dans ses bras. Je tremble, j'ai froid et chaud à la fois. Un cri de douleur fait voler en éclat le silence de ce hall. Ce cri vient de moi. J'ai cette impression d'être hors de mon corps, de n'avoir aucune maîtrise de moi.

— Putain, dis-moi ce qui t'est arrivé pour être comme ça. Je hoche négativement la tête en refus.

Je sens ses mains me basculer et me porter jusqu'à son ascenseur. Je suis comme déconnecté de mon corps. Je ne ressens plus rien, tout semble morose, sans nuances. Il me dépose sur son lit et m'enlève mes chaussures. Il revient avec un verre d'eau, j'en bois une gorgée et le pose sur sa table de chevet. Je pose ma tête sur l'oreiller, les yeux dans le vide.

— Et toi, Andy, qu'est-ce qui t'est arrivé pour être comme ça avec les femmes ?

Il fixe le mur, comme pour se rappeler ce qui a fait de lui cet homme incapable de s'attacher à une femme. Il finit par quitter la chambre, pour ne pas regarder la vérité en face. Mes yeux se ferment, quand je sens le lit s'affaisser. Il s'allonge près de moi.

— On devrait arrêter de se voir.
— Quoi ?
— Je pensais pouvoir t'aider.
— Mais ça te renvoie à tes propres peurs.
— Tanya...
— Bonne nuit.

Je me tourne et lui donne mon dos, trop blessée par son abandon. Encore un de plus, je devrais être hermétique à la souffrance. Mais c'est toujours la même douleur, elle est vive, elle ne cicatrise jamais, une plaie béante. Je m'endors.

Le lendemain matin, il n'est pas dans le lit, je sors de la chambre, la porte de son atelier est fermée, il peint ses névroses. J'enfile mes chaussures et je quitte son appartement. Je ne veux pas me confronter à lui, par peur de revoir ce regard que j'ai tant aperçu chez les hommes. Je suis toxique.

ToxicOù les histoires vivent. Découvrez maintenant