Chapitre 35

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Le lendemain, avant de me coucher, mon téléphone sonne, je souris.

— Salut, la folle.

— Hey, le coureur du jupon.

— Je me soigne. Bonne journée ?

— Assez, je ne m'attendais pas à t'entendre.

— Je fais aussi des efforts.

— Oui, c'est agréable.

— J'ai envie de toi.
Je ris.

— Moi pas.

— Vilaine.
Je l'entends rire.

On finit par raccrocher, j'ai l'impression de repartir en adolescence. Je souris toute seule. Les jours suivants, Andy a disparu des radars, il peint pour un vernissage qui aura lieu dans quelques semaines. J'aimerais tant pouvoir attirer son attention, qu'il arrête de disparaître de ma vie de cette façon. Mais notre relation n'est pas définie, on se cherche, sans pouvoir encore mettre un mot sur notre relation.
En rentrant des courses, je trouve Alex devant ma porte. Je l'ignore, mais il en a décidé autrement. Il force le passage de ma porte, entre et sifflote en faisant le tour de mon salon.

— C'est mignon chez toi.

— Tu vas encore te tirer dessus et m'accuser.

— Merci, ma jambe va très bien.

— Tu es complètement malade.

— C'est toi la folle.

— Qu'est-ce que tu veux ?

— Prendre des nouvelles d'une vieille amie.

— Tu les as maintenant, dégage ! Où j'appelle la police.

Il explose de rire.

Il se dirige vers ma porte, se retourne et continue de rire. Il referme la porte, je me saisis d'un objet et je le jette contre la porte. Je me sens si stupide d'avoir flashée sur lui. J'aimerais tant refaire le passé et effacer cette erreur de ma vie. Il ne va pas s'arrêter là, il veut pourrir mon existence. Il a réussi, j'ai envie de disparaître, me faire oublier quelque temps.

Je m'affale sur mon lit, telle une loque, je n'ai même pas rangé les courses. Je suis incapable de faire quoi que ce soit. Cet homme a détruit le peu que j'avais. Je me sens de nouveau dans cette prison, privé de liberté. Je ferme les yeux, épuisée de toujours survivre au lieu de vivre.
Deux semaines plus tard, j'accompagne Rosa au vernissage d'Andy. Je ne voulais pas y aller, pour le punir de sa disparition. Mais cette fois-ci, j'ai réussi à ne pas le harceler ou à me rendre chez lui. J'ai tenu bon. J'ai barré chaque jour sur un calendrier comme un prisonnier condamné à perpétuité.

L'envie était si forte, qu'il m'est arrivé de pleurer sans raison, d'évacuer cette douleur au cœur qui ne me quittait plus. Pendant qu'elle devait fricoter avec des dizaines de femmes. Je le déteste, je déteste ce qu'il représente. C'est une limite, un point inaccessible.

On entre dans la galerie d'art où des centaines d'invités ont tenu à être présents. Andy est très célèbre dans le milieu artistique. Ces tableaux se vendent comme de petits pains. Celui qu'il m'a offert a été estimé à des milliers de dollars. Il trône fièrement dans mon salon. Dès que je pose les yeux sur lui, je repense à lui et à la souffrance qui se loge dans mon cœur.
Je l'ai repéré, il est entouré de femmes, pour ne pas changer. Je le déteste à nouveau. J'oscille entre l'aimer et le désir, la frontière est tellement fine que je m'y perds.
Il pose ses yeux sur moi, et la haine disparaît totalement de mon cœur. Je ne vois que lui, et lui ne voit que moi. Il s'approche, mais je ne veux pas retomber dans ses filets si facilement. Mon père me dirait d'avoir un peu d'amour-propre, mais mon cœur balaye d'un revers cet argument. Je me sens sourire, mais je tourne ma tête pour ne pas lui montrer qu'il m'a manqué au point de prononcer son prénom, par peur de l'oublier. Au point de pleurer sous la douche, pour ne pas flancher.

— Tanya, tu as réussi à te libérer.

— Oui.

— Je suis content que tu sois là.

— Content au point de m'ignorer deux semaines.

— Cette fois, c'est toi qui as fait le décompte.

— Je te laisse, je vais faire le tour.

Je le plante, je sens son regard sur moi. Pour une fois, je dois lui prouver que je ne flancherai pas. Je l'ai tant déjà fait. Je fais le tour des tableaux, il me lance un regard toute la soirée, mais je l'évite, je reste sur mes gardes.

— Je t'achèterai tous les tableaux que tu désires.
Je me retourne sur Alex.

— Je t'ai dit de me laisser tranquille.
Je vois Andy venir dans notre direction.

— Ne t'approche pas d'elle, sale fils de pute.

— Autrefois, tu m'accueillais les bras ouverts.

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