Chapitre 40 : Canis Dirus

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Il n'y a pas de neige. Mais la pluie et le vent sont particulièrement durs à supporter même pour moi. D'après le dernier village que j'ai rencontré, la demeure de Thomas ne devrait plus être très loin à présent.

J'aurais aimé avoir plus d'information. Mais je ne suis plus capable de parler et c'est déjà une chance que les personnes que j'ai rencontrées ont immédiatement compris ce que je voulais en lisant le prénom de l'unique.

Je commence à peine à perdre espoir pour ce soir et songe à trouver un abri où m'abriter, quand je perçois une menace immédiate.

Évidemment, même pour des descendants directs des Canis Dirus, ils ne sont pas aussi grands et féroces que moi. Mais ils sont en surnombres et je suis à bout de forces. Ce n'est pas être pessimiste que de conclure que je risque d'y laisser ma peau, si une bataille éclate à cet instant.

Je retrousse mes babines pour dévoiler mes dents saillantes et émets un grognement plus que dissuasif.

Mais mes adversaires ne semblent pas du tout hostiles, bien que leurs réactions ne soient pas non plus très claires. Ils se contentent de m'entourer et de me pousser vers un endroit encore plus profond dans la forêt. Je n'aime pas ça, je suis clairement vulnérable.

Je ne sais pas vraiment à quoi je m'attendais. Mais certainement pas à cela !

La maison qui me fait face présente un style tout à fait représentatif des maisons de maître en Amérique du Sud, digne d'une autre époque. De grands murs blancs occupent un espace gigantesque. Deux lampadaires de chaque côté de la porte éclairent à peine le perron à double rampe. D'immenses colonnes soutiennent le toit qui est suffisamment allongé pour protéger la terrasse de l'étage du dessus.

Une symétrie aussi rigide a quelque chose d'agaçant, ça me semble bien trop « parfait » ?

Tout en haut du sommet de cette toiture bien plane, on peut même apercevoir deux cheminées en brique rouge de chaque côté de la maison. Sans parler des escaliers qui descendent en courbes pour s'arrêter en face l'un de l'autre et mettre l'entrée à doubles portes encore plus en valeur.

Comme si l'imposante demeure ne serait pas assez « m'as-tu vu » comme cela !

Je suis soudain assaillie d'une étrange envie de secouer l'architecte pour lui faire comprendre que la vie est un grand bordel et que la minutie de ses créations n'y changera jamais rien. Tsss !

Et malgré l'obscurité croissante, je crois distinguer un jardin particulièrement bien entretenu, dont l'exotisme des plantes me fait regretter que le soleil ne soit pas maître dans le ciel.

— Adali ! Qu'est-ce qui t'es arrivé?! Vite, allez lui chercher une couverture ! hurle Thomas à l'un de ses serviteurs.

Il n'est plus qu'à quelques pas de moi quand il s'arrête pour m'examiner avec plus d'attention.

— Qu'est-ce qui t'est arrivée? Tu es démesurément grande ! me fait-il remarquer en oubliant toute délicatesse.

Mais je n'ai pas le loisir de lui répondre, je ne sais pas si c'est la fatigue physique ou un simple craquage émotionnel qui me fait perdre pied. Mais pour la première fois depuis mon départ de chez moi, je reprends ma forme humaine sans le vouloir et m'écroule lamentablement sur le sol glacé et humide.

— Adali ! J'entends, les pas de Thomas résonner sur le sol et sens le doux contact d'une épaisse couverture avec laquelle on me recouvre.

Ma vision se brouille et je me sens partir dans les abysses...

La situation ne pouvait pas être pire, je suis devenue une fugitive. J'ai laissé toute ma famille derrière moi et comme si l'Alaska voulait me ralentir, je me suis retrouvée perdue dans une tempête de neige à lutter contre les éléments.

L'Oméga et L'AlphaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant