Je n'aimais pas spécialement prendre le train, mais je n'avais pas le choix. Je n'avais pas l'argent nécessaire pour me payer une voiture ou pour prendre un taxi.
Chaque mois, je faisais mon budget consciencieusement et je savais qu'il m'était impossible de m'acheter un véhicule et l'essence qui va avec. Ne parlons même pas des entretiens ou des réparations éventuelles.
Bref, j'étais condamnée à prendre le train pour aller travailler. Pour moi, c'était compliqué, car je n'aimais pas la foule. Les autres m'oppressaient, mais je n'avais pas le choix. Je devais faire avec.
Dans mon sac, j'avais un petit flacon de fleurs de Bach que je pouvais pulvériser sur ma langue si j'angoissais trop. Je savais que c'était plus psychologique qu'autre chose, mais cela m'apaisait. Parfois, lorsque le train était bondé, je glissais ma main dans ma poche. Je sentais le petit flacon et cela suffisait à me rassurer. C'était stupide, mais cela m'était égal. Personne d'autre ne s'en rendait compte.
De toute façon, je n'avais personne pour me rassurer. J'étais toute seule. J'avais bien des parents âgés qui vivaient en Espagne, mais ici, en Belgique, j'étais seule avec moi-même. Alors, je me rabattais sur mon spray aux fleurs de Bach afin d'oublier mes angoisses et mes désillusions.
Parfois, je réfléchissais à prendre un animal de compagnie, mais cela coutait cher d'avoir un animal. Je n'avais pas le budget pour aller chez le véto, pour le nourrir correctement, pour le soigner. Vous avez vu le prix d'une boite de Frontline ? Tant pis, le gentil toutou à sa maman, ce sera pour le jour où je deviendrais riche, c'est-à-dire jamais.
Alors, pour survivre à mon trajet de train, je me mettais dans ma bulle. Je lisais un gros livre qui me faisait oublier où j'étais ou j'écoutais de la musique. Cela m'aidait à rester sereine, à oublier tous ces gens oppressants, à ne pas penser à tous ces microbes qui tournaient autour de moi et qui me rendaient dingue.
Dans mon sac, j'avais toujours un gel hydroalcoolique ou des lingettes désinfectantes. Pas besoin de pandémie pour bien m'équiper. J'étais déjà accro avant l'arrivée de la covid-19.
Ce jour-là, je levai les yeux vers un homme atypique. C'était un nouveau contrôleur. Je l'avais trouvé étrange et mystérieux. Son comportement était inhabituel. Un paumé, comme moi.
Il m'avait souri gentiment. J'avais eu l'impression qu'il avait cherché à regarder la couverture de mon livre, mais je devais avoir rêvé.
Qui s'intéresserait à moi ?
Je lui tendis mon titre de transport sans oser croiser ses grands yeux chaleureux.
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Le train de nos vies ordinaires
General FictionUn sans-abri trouve refuge dans une gare pour survivre à son triste sort. Un contrôleur de train fait une rencontre inattendue lors de sa journée de travail. Une adolescente vit mal sa notoriété sur les réseaux sociaux. Trois personnes qui veulent j...