-C'était le rêve de maman, m'avait-il répété en pleurant.
J'étais restée muette et choquée face à ses larmes.
C'était le rêve de maman.
Pourquoi m'avait-il dit ça ? Je ne l'avais jamais vu pleurer. Était-ce vraiment de la tristesse ou juste un chantage de plus pour me forcer à lui obéir ?
Je n'avais pas la réponse. Je restai prostrée face à ses pleurs déroutants.
Souvent, je n'arrivais pas à cerner mon père. Il était trop différent de moi puis il ne se confiait jamais. Je ne savais quasi rien de son passé. Il demeurait un grand mystère. Cela me donnait parfois la chair de poule.
Qui était-il réellement ?
Rarement, il me racontait des souvenirs qui impliquaient maman ou alors il parlait de moi enfant, mais jamais il ne se confiait sur son enfance à lui.
J'aurais peut-être pu essayer d'en savoir davantage, mais je n'avais ni l'envie ni l'énergie.
Était-ce mal ? Je n'avais pas la réponse.
J'essayais de me dire que ce n'était pas si grave, mais parfois, je culpabilisais. Depuis que maman était décédée, j'étais une fille pitoyable.
Je le savais que j'avais tout faux. Je n'arrivais pas à le comprendre ni à l'aider. Lui aussi était en deuil et pourtant, je lui en voulais. Je ressentais une violente colère en moi que je contenais tant bien que mal. J'avais souvent l'impression qu'il ne me connaissait pas du tout, qu'il faisait tout le contraire de ce que j'espérais d'un père.
Alors, dès que c'était possible, je l'évitais. Ensuite, je m'en voulais de nouveau. C'était un processus malsain et cela minait mon moral.
Un week-end, il était venu me dire qu'il m'avait inscrite à la présélection du concours The Voice. Il me voyait déjà gagner alors que je n'avais encore rien fait.
Je m'étais énervée contre lui, car il m'avait inscrite sans me demander mon accord. Il pensait sûrement que j'allais cartonner, vu ma notoriété sur les réseaux.
Puis, tout à coup, je m'étais calmée. Cela ne servait à rien de lui crier dessus, je le savais. Le mal était fait alors pour quoi se mettre en colère?
Je m'étais effondrée dans le canapé, dépitée. J'étais restée là sans dire un mot. Nous n'entendions que nos respirations saccadées. Il finit par me regarder dans les yeux. Je voyais qu'il pleurait. Ses larmes me bouleversèrent.
-C'était le rêve de maman, murmura-t-il.
Je hochai la tête tristement. Je savais que c'était vrai. Maman avait toujours eu une voix magnifique, mais elle n'avait jamais osé essayer de percer dans la musique, trop timide ou trop pudique, trop sage ou trop occupée à m'élever.
Réservée, elle chantait pour nous, pour sa famille. Sa voix s'envolait dans la maison et lorsque maman chantait, nous nous sentions bien, en sécurité. Elle nous englobait de sa douceur et de sa bienveillance. Les notes apaisantes nous enchantaient et nous rapprochaient.
J'aurais tellement voulu l'entendre encore une fois, juste à cet instant, pour oublier mon mal-être grandissant.
Je tournai les yeux vers mon père qui restait muet, un mouchoir à la main.
-J'irai papa.
-Vraiment ? Tu me le promets ?
-C'est bon, j'irai.
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Le train de nos vies ordinaires
Ficção GeralUn sans-abri trouve refuge dans une gare pour survivre à son triste sort. Un contrôleur de train fait une rencontre inattendue lors de sa journée de travail. Une adolescente vit mal sa notoriété sur les réseaux sociaux. Trois personnes qui veulent j...