J'aimais chanter toute seule dans ma chambre comme toutes les ados de mon âge et pourtant, je ne souhaitais plus jamais chanter de ma vie.
Je voulais me taire.
Ne plus jamais chanter.
J'aurais tellement aimé composer et chanter pour ma maman, pas pour le monde entier, juste pour elle et personne d'autre. Et voilà que j'allais participer à The Voice.
Tout le monde allait m'entendre et me voir. J'allais me retrouver à la télévision alors que je n'en pouvais plus d'Insta et de TikTok. J'avais l'impression que j'allais toucher le fond.
Mon père ne s'arrêterait jamais. Il avait toujours de nouvelles idées. C'était sans fin.
J'avais enfilé ma tenue de sport pour sortir courir. J'aimais courir pour oublier, pour me vider la tête. Il n'y avait plus que moi et les kilomètres parcourus. Quand je courais, le reste du monde disparaissait. J'étais juste une fille quelconque qui fuyait sa vie et que personne ne reconnaissait sous sa casquette et derrière ses lunettes.
Je comptais chacune de mes foulées dans ma tête. Je mettais mes écouteurs et tout s'évanouissait d'un seul coup. Juste moi et mes baskets. Mon père m'accompagnait parfois pour m'entraîner, pour me motiver à faire mieux, mais j'arrivais à faire abstraction.
Je me fixai dans le miroir, ma tenue sur le dos. J'avais tellement envie d'être libre et inconnue, mais tant pis, ce ne serait pas pour aujourd'hui.
Bientôt, à mes dix-huit ans, je pourrais dire stop à mon père et peut-être qu'il m'écouterait enfin.
Je mis mes écouteurs sur mes oreilles. « Clap your hands » de Kungs retentit.
Je me mis à sourire. J'allais m'envoler avec ce morceau. Partir loin et qui sait, peut-être ne plus jamais revenir ?
Lorsque je me retournai, je bousculai mon père. Il était en tenue de sport également. Zut, je n'avais pas réalisé qu'il m'avait vue me préparer. Moi qui souhaitais aller courir seule pour décompresser.
-Désolée.
-Ce n'est pas grave, Idgie.
Il était surexcité et cela ne me rassura pas. Qu'avait-il encore inventé pour me rendre encore plus célèbre ?
-Regarde ce que j'ai acheté.
Il fixa une petite caméra sur sa tête. Puis, il se mit à me suivre jusque dans le jardin.
-Je vais pouvoir te filmer lorsque tu cours. Ce sera génial sur TikTok, pas vrai ? Tu pourras inspirer d'autres jeunes.
Je le dévisageai, dépitée.
-C'est une blague ?
Malheureusement, non. Je me mis à accélérer pour le semer, mais c'était peine perdue. Mon père courait plus vite que moi.
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Le train de nos vies ordinaires
General FictionUn sans-abri trouve refuge dans une gare pour survivre à son triste sort. Un contrôleur de train fait une rencontre inattendue lors de sa journée de travail. Une adolescente vit mal sa notoriété sur les réseaux sociaux. Trois personnes qui veulent j...