Chap 23: pdv Idgie

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   J'avais perdu ma maman.

Je me sentais esseulée et délaissée.

Tous mes repères s'étaient envolés. Mon univers s'était démantelé brusquement. Tout ce que nous avions construit ensemble avait basculé dans le chaos.

J'avais l'impression de marcher dans un désert sans fin, à bout de force. Chaque pas pour avancer était douloureux et épuisant.

Pourtant, je le savais.

Je savais que maman était malade, mais je n'étais pas prête à la perdre pour autant. J'avais compris ce qui lui arrivait, j'avais entendu leurs explications, j'avais vu les effets de ses traitements, mais je ne l'avais pas accepté.

J'avais lutté contre la réalité. L'espoir m'avait aidée à avancer, à garder le sourire pour elle, pour nous, pour la soutenir tant que c'était possible.

Puis, un matin, papa m'avait dit que cela ne servait à rien de nous rendre à l'hôpital. 

Tout était fini.

Je n'avais pas voulu comprendre ces mots. Je les avais détestés, exécrés.

Tout était fini.

J'étais restée choquée dans ma chambre, ma brosse à dents à la main, les cheveux encore en bataille. Après ces trois mots percutants, il avait tourné les talons pour me laisser seule. Lui-même était choqué, il n'avait pas eu la force de me consoler.

Voilà comment cela s'était fini. On t'annonçait ça un matin alors qu'hier encore, tu t'étais blottie contre elle, tu avais senti son odeur, tu lui avais serré la main, tu avais entendu ses paroles.

Tout ne pouvait pas se finir comme cela, d'une minute à l'autre. Une nuit avait suffi pour m'anéantir, pour me briser à jamais. Une seule nuit où j'avais réussi à dormir en ne me doutant pas que ce serait la dernière.

Comment accepter de perdre sa maman ? 

Comment le comprendre et le digérer ?

Elle avait eu un cancer agressif. Ces mots m'avaient fait comprendre que ce serait fulgurant et insupportable.

Le temps continuait pourtant à s'écouler, le monde continuait de tourner, mais moi, je savais que jamais je ne m'en remettrais. Cette douleur s'estomperait peut-être peu à peu, mais jamais elle ne disparaîtrait complètement.

Impossible.

Je l'aimais trop. Elle était vitale à mon bonheur. Ce genre de douleur vous poursuit jusqu'à votre mort.

J'avais espéré parler avec mon père de notre deuil, mais il ne voulait pas en discuter. Maman était devenue taboue.

Papa me fixait avec tristesse, mais il restait silencieux. Crispé, il ne trouvait pas les mots pour m'aider à aller mieux. Mal à l'aise, il changeait de sujet maladroitement.

Parler de maman était pourtant indispensable. J'avais besoin de mettre des mots sur notre malheur, de m'épancher pour traverser cette épreuve.

À l'école, je n'avais pas envie d'en parler non plus. J'avais l'impression que si je me confiais, j'allais m'écrouler d'un seul coup.

Avec Lali, c'était différent, cela m'était égal de montrer mes sentiments. Je pouvais tout lui dire. Je pouvais pleurer, être en colère, crier, pleurer de nouveau.

J'avais espéré pouvoir agir de la sorte avec William, mais le décès de maman avait tout détruit sur son passage. 

Il n'avait plus jamais été le même.

Le train de nos vies ordinairesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant