Cette nuit, j'avais rêvé de mon chien comme souvent. Un aboiement m'avait réveillé, mais en ouvrant les yeux, j'avais réalisé que la réalité était tout autre. Comme chaque matin ,le même décor : la gare et ses navetteurs.
J'avais rêvé d'être de nouveau heureux un jour, mais je savais que ce n'était qu'un songe inaccessible. J'étais toujours assis par terre, seul, sur ce béton inconfortable. Les gens passaient devant moi sans remarquer à ma détresse et mon désarroi.
Étais-je insignifiant ?
Je ne supportais plus cette vie, mais je n'avais pas le choix. J'avais tout gâché. J'avais perdu mon emploi. Avant, j'avais tout, mais tout cela n'existait plus. J'essayais pourtant de sortir la tête hors de l'eau depuis qu'Idgie m'avait offert un peu de ses économies.
Je savais que l'hiver approchait. La nuit, la température chutait depuis quelques jours. Lorsque je sentais le temps basculer, je repensais au froid, à la pluie, au gel ou à la neige et je frémissais déjà.
J'essayerais de me trouver une ou deux couvertures supplémentaires pour survivre, mais je n'étais plus sûr d'avoir envie de me battre.
À quoi bon continuer ?
Le fil de ma vie défilait devant mes yeux. J'aurais tellement voulu revenir en arrière, faire d'autres choix, agir différemment, ne plus jamais choisir la voix du mensonge qui ne menait qu'au désastre.
J'avais parfois une pensée pour mes adorables parents. Ils n'auraient jamais supporté de me voir dans cet état. Eux qui avaient tout fait pour me voir réussir. Auraient-ils été déçus ou choqués ? S'ils avaient encore été vivants, aurais-je osé aller sonner chez eux pour leur avouer mes échecs, mes fêlures, mes misérables choix ?
Soudain, je sentis que quelqu'un me fixait dans la foule. C'était l'heure de pointe alors mon regard balaya la foule sans savoir qui me scrutait de loin. La gare était bondée.
Je continuai à contempler la foule puis soudain, je croisai le seul regard qui pouvait me redonner espoir. Le seul qui brillait dans cette morne journée.
Céleste portait son éternel manteau jaune et m'observait depuis quelques instants.
Depuis plusieurs jours, elle m'offrait une tasse de chocolat chaud en passant ou un croissant au beurre. Nous discutions de tout et de rien, tout en mangeant un pain au chocolat. Ce n'était quelques minutes sur la journée interminable, mais cela me touchait profondément. Cela voulait dire qu'elle souhaitait encore me revoir malgré ma condition actuelle.
Ces moments précieux m'aidaient à tenir jusqu'au lendemain.
Je me levai d'un bond pour lui sourire, tout rougissant. Sa beauté ne me laissait jamais indifférent.
Les gens la bousculèrent et la frôlèrent, mais elle ne détachait pas son regard du mien. Elle était imperturbable.
Que se passait-elle ? Elle était différente des autres jours.
Céleste me sourit enfin. Son sourire était si beau, si pur, si apaisant.
Ce sourire m'était-il vraiment destiné, après toutes nos mésaventures ?
Elle se mit à marcher vers moi sans faire attention aux navetteurs qui se dépêchaient. Il n'y avait plus que nous deux dans cette gare.
Mais tout s'effaça, les gens n'existaient plus. Le bruit venait de s'évanouir pour nous englober d'un silence salvateur.
Cet instant était-il réel ?
-Vous ne vérifiez pas mon titre de transport, aujourd'hui ? me demanda-t-elle tout en marchant vers moi.
Je me mis à rire puis soudain, je sentis une larme couler sur ma joue. Je ne savais pas retenir mes émotions. Fébrile, je plongeai le regard dans ses yeux intenses. Des yeux profonds qui me disaient que tout irait bien, que peut-être qu'un jour tout irait mieux. Un regard qui me promettait que je ne serais plus jamais désespéré, que tout était fini. Enfin.
Un aboiement retentit, comme celui de mon rêve.
Céleste se dégagea de la foule et face à moi, elle resta immobile, une laisse à la main.
Un chien était assis à côté d'elle.
D'où sortait ce chien ? Que faisait-elle avec cet animal qui était la copie conforme du mien ?
Aiko ?
-Je pense que ce chien t'appartient, n'est-ce pas ?
Aiko.
-Mais comment est-ce possible ? murmurai-je, choqué.
-J'ai retrouvé ton chien dans un refuge à 50 km d'ici. J'ai fouillé toute la ville pour le retrouver. Je dois avouer que la vidéo de Amazing Idgie m'a bien aidée. Ton chien a été retrouvé dans une forêt à une dizaine de kilomètres d'ici. Une joggeuse est tombée dessus. Possédant un chat, elle l'a emmené chez son vétérinaire. Le vétérinaire l'a ensuite confié à un refuge. Dans ce refuge, une fan de Amazing Idgie a fini par le reconnaitre et lorsque j'ai débarqué et que je lui ai expliqué que je connaissais le fameux Naël de la vidéo, elle a accepté de me le confier. Je lui ai promis une photo de nous trois. La jeune fille du refuge espérait envoyer un message sur l'Insta d'Idgie pour lui dire qu'elle avait retrouvé Aiko, mais tous ses comptes ont été clôturés récemment. Heureusement qu'elle est tombée sur moi.
-Tu as fait tout ça pour moi ?
-Oui.
-Je ne sais pas quoi te dire. Je ...
Aiko me bondit dessus. Il était intenable lorsqu'il me reconnut. Le cauchemar dans lequel je me trouvais depuis des semaines venait de se transformer en rêve éveillé.
-Merci Céleste, merci du fond du cœur.
-Je te présente Aiko, dit-elle en riant.
-Céleste, comment te remercier ? Comment ...
-Si j'ai bonne mémoire, tu ne m'avais pas promis un café en tête à tête ?
-En effet, mais je devine que tu n'as pas trop envie de traîner avec un sans-abri. Regarde dans quel état je suis. Insortable, non ?
Elle me dévisagea tout en souriant de nouveau.
-Je n'ai pas trop envie de boire un café avec un sans-abri en effet, mais par contre, avec un charmant contrôleur de train et son adorable chien, pourquoi pas ?
TERMINUS
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Le train de nos vies ordinaires
Ficción GeneralUn sans-abri trouve refuge dans une gare pour survivre à son triste sort. Un contrôleur de train fait une rencontre inattendue lors de sa journée de travail. Une adolescente vit mal sa notoriété sur les réseaux sociaux. Trois personnes qui veulent j...