Chap 35 : pdv du sans-abri

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   Ce fut la nuit de trop.

Celle que j'allais regretter amèrement.

Je n'avais pas été assez prudent. J'avais été faible et bête à la fois. 

Je m'étais assoupi, épuisé par la nuit, mais je savais que le samedi soir était pire que les autres soirs. Il ne fallait jamais dormir le samedi soir.

Les gens étaient imprévisibles. Ils étaient prêts à faire n'importe quoi pour s'amuser, pour oublier la semaine qui venait de se terminer.

Je n'avais pas vu arriver un groupe de jeunes qui s'étaient mis à crier et à regarder dans ma direction. 

Lorsque j'avais ouvert les yeux, c'était trop tard.

Ils étaient déjà face à moi à shooter dans mes affaires et importuner Aiko. De vrais débiles, mais de quoi étaient-ils capables ? Je l'ignorais.

Pourtant, je n'avais que très peu d'affaires en ma possession. Je me faisais toujours discret, juste pour me faire oublier. Je restais assis là à attendre que le temps passe.

Pourquoi s'en prenaient-ils à moi ? Pourquoi perdaient-ils leur temps avec un sans-abri alors qu'ils avaient tout et que moi, je n'avais rien ?

Je sentis mon chien inquiet reculer contre moi. Aiko se mit à grogner, à tourner sur lui-même nerveusement. Quelque chose clochait, il le savait et je venais de le comprendre aussi.

Les gars riaient et essayaient d'attraper mon animal, mais Aiko s'échappait à chaque fois et revenait se blottir contre moi. Ils se moquaient de nous sans même comprendre à quel point c'était eux les abrutis.

Peut-être que me rabaisser leur donnait une impression de supériorité ?

Je les dévisageai avec colère :

-Passez votre chemin. Je vous en supplie, murmurai-je en me contenant, les poings serrés.

-Et les gars, il sait parler ! s'exclama l'un d'eux.

-C'est toi qui dois dégager de là, cria un autre en s'avançant vers moi avec agressivité.

-Ce n'est pas un hôtel ici!

-Fiche le camp avec ton sac à puces, hurla l'un des jeunes en me donnant un coup de pied dans les côtes. On va choper la galle.

La douleur me plia en deux. Aiko se mit à aboyer tout en me protégeant. Il devenait fou de rage. Les jeunes gens se mirent à lui tourner autour, à l'acculer, à le rendre dingue. Je me sentis anéanti, mais j'étais impuissant, plié en deux par la douleur.

-S'il vous plait. Partez ! répétai-je à bout de souffle.

J'étais prêt à tout leur donner pour qu'ils partent. La douleur me paralysait toujours et je paniquai en voyant mon chien perdre la tête à cause de ces jeunes impulsifs.

Je reçus de nouveau un coup, plus fort encore. Aiko aboya puis gémit. Quelqu'un venait de lui faire mal à lui aussi et ce constat fut intolérable pour moi, insupportable. 

Je voulus réagir, mais j'étais sans force, terrassé, totalement démuni face à eux.

-Arrêtez. S'il vous plait. Arrêtez !

-Venez, les gars. On va se faire pincer, lâcha un des jeunes.

Brusquement, ils partirent de leur côté en tirant sur le collier de mon chien.

-Laissez-le, hurlai-je tout en essayant de me relever.

Non, pas Aiko !

Pas Aiko !

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