Chap 56 : pdv Idgie

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   Mon père finit par nous rejoindre à la gare. 

J'avais décidé de répondre à ses appels incessants. Il m'avait cherché dans tout le bâtiment, tout d'abord en pestant contre moi puis en paniquant, n'imaginant pas un seul instant que j'étais partie à l'extérieur. À force de fouiller les lieux, les phrases avaient résonné dans son esprit et il avait fini par culpabiliser.

Qu'avait-il fait ? Il en était venu à me faire fuir, la seule famille qui lui restait et qui représentait tout pour lui.

J'étais assise à côté de William, sa veste sur le dos lorsqu'il arriva à la gare. Je levai la tête pour le dévisager avec tristesse et appréhension. Je savais qu'il m'en voulait à mort pour mon comportement, qu'il ne me pardonnerait jamais.

Je frémis lorsqu'il croisa mon regard.

Il s'avança vers moi lentement, maladroitement puis finalement, il me serra contre lui. Il ne m'avait plus serré dans ses bras depuis la mort de maman. Il n'était pas du tout dans la démonstration d'habitude. 

J'eus le souffle coupé. Je m'écartai de lui dans un réflexe de survie puis je m'en voulus d'avoir réagi si vivement. Il essayait de me consoler, de me montrer qu'il n'était pas fâché.

Il s'écarta de moi en silence pour me fixer mélancoliquement. Une larme glissa sur sa joue.

-Tu ressembles à maman, murmura-t-il dans un souffle. Tu le sais, ça ?

-c'est un reproche?

-Pas du tout.

Il baissa ensuite les yeux pour fixer William. Au lieu de s'énerver, il lui sourit comme pour le remercier de sa présence.

-Désolée papa pour The Voice, soufflai-je. J'ai tout gâché.

Il me fixa, sans me faire de reproches, sans se mettre à me prouver par A+B que j'avais tort. Je m'attendais à ce qu'il me parle de notre prochain rendez-vous pour arranger les choses, pour rattraper mon échec, mais il ne fit rien de tout cela. Il resta silencieux, tremblant d'émotions.

Il me contempla longuement, muet. Je finis par me rassoir sur le sol, auprès de mon ami d'enfance.

-Demain, si tu le veux, on supprimera tous tes comptes ensemble ?

-Vraiment ?

-Maman n'aurait jamais voulu que tout cela arrive. Elle m'aurait aidé à comprendre que tu n'allais pas bien, mais elle n'est plus là pour m'aider.

-J'ai du mal à te croire. Tu tiens trop à tous ces comptes.

-Demain, on recommence tout depuis le début, pour toi et pour maman.

Bouleversée, je le dévisageai pour discerner s'il était sérieux ou pas. Je n'en revenais pas. J'attendrais de le voir pour le croire. Je finis par lui sourire timidement, au bord des larmes.

-Si tu es d'accord, bien sûr.

-Oui, je suis d'accord, papa.

Je scrutai mon père qui paraissait sincère et soudain, je me surpris à y croire un tout petit peu.

Demain me parut plus lumineux. Je comptais m'acheter un vieux Nokia 3310. Fini les smartphones pour un bon moment.

Demain, peut-être que je serais vraiment heureuse.



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