Chap 37: pdv du contrôleur de train

15 6 2
                                    

   Ce fut la première personne que je vis lorsque je montai dans le train. 

Céleste.

Elle était assise et paraissait m'attendre ou me chercher.

Était-ce possible ?

Peut-être que je rêvais, mais j'avais l'impression qu'elle avait toujours été là, dans ce train à m'attendre.

J'étais si seul et si déçu par la vie. Je pensais avoir apprivoisé cette solitude, mais ce n'était pas vrai. J'étais malheureux, mais j'avais envie de sourire de nouveau. 

Sourire pour Céleste, même si je ne la connaissais pas vraiment.

Allait-elle percevoir ma sincérité ?

Bizarrement, lorsque je croisai le regard de Céleste, je me sentis bien instantanément. C'était un sentiment étrange qui ne se traduisait pas avec des mots. C'était du pur bonheur et je me demandais si c'était la réalité.

Peut-être avait-elle peur de moi ?

Qui étais-je après tout ? Juste un gars paumé qui n'avait rien à lui apporter.

Elle méritait la perfection, une vie incroyable et palpitante. Elle avait le droit d'être heureuse. L'était-elle au fait ? Je l'ignorais.

-Vous comptez contrôler mon billet ? me demanda-t-elle.

-Bien sûr.

-Vous avez l'air dans la lune.

Je lui souris tout en contrôlant son titre de transport puis je lui tendis à contrecœur. Je devais attendre demain pour la revoir. Ce serait si long, interminable.

-À demain, souffla-t-elle.

-À demain.

Elle se mit à rire nerveusement.

-Je peux vous poser une question ?

-Pourquoi pas ? répondit-elle, curieuse.

-Pourquoi jaune ?

Céleste fronça les sourcils, se demandant de quoi je lui parlais.

-Votre manteau ?

-Oh, encore cette histoire de manteau ?

Elle pouffa, rouge pivoine.

-Pourquoi est-il jaune ?

-Quelle drôle de question ! Décidément, mon manteau vous a vraiment marqué.

-Je me demande depuis longtemps pourquoi vous avez choisi un manteau jaune et pas une autre couleur ?

-Et moi qui pensais que personne ne s'intéressait à moi.

-Pour les autres, je ne sais pas. Mais moi je m'intéresse à vous.

Elle rougit de nouveau puis baissa la tête. 

-Désolé. Je ne voulais pas vous mettre mal à l'aise.

Je tournai les talons sans attendre sa réponse. Je détestais le fait qu'elle se sente déstabilisée à cause de ma curiosité. Je pensais lui faire un compliment, mais je n'aurais pas dû. J'avais toujours tout faux. J'étais si maladroit, si peu doué pour approcher une jolie dame comme elle.

-Il ne restait plus que ça, lâcha-t-elle dans mon dos.

Je me retournai, étonné qu'elle finisse par me répondre, devant tous les passagers.

-Je déteste le jaune, avoua-t-elle en souriant.

-Ah bon ?

Cette fille était surprenante. Je ne m'étais jamais attendu à cette réponse.

-Il ne restait plus que ce modèle en soldes. Mon compte en banque n'est jamais très fourni.

Je la dévisageai avec surprise.

-J'ai acheté le dernier qui restait, celui dont personne ne voulait.

Je restai là, immobile, sans savoir comment réagir et je la regardai se confier à moi sans chercher à comprendre ce qu'il passait. C'était irréel, magique peut-être. Elle était pourtant si belle dans ce manteau jaune qu'elle détestait.

-Je réalise que c'est grâce à lui que nous nous sommes rencontrés. J'ai bien fait de l'acheter.

J'aurais tellement voulu lui dire à quel point elle était parfaite à mes yeux dans ce joli manteau jaune, mais je me tus, intimidé par son sourire renversant.

Le train de nos vies ordinairesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant