Le train de nos vies ordinaires

Chap 55 : pdv Idgie

   Le train venait de filer sous nos yeux. 

J'étais totalement choquée. Tétanisée, je restai immobile. Avais-je halluciné ? William était venu me chercher. Comment avait-il su où j'étais ? Moi qui croyais qu'il me détestait.

Ne fais pas ça, Idgie ! Je tiens trop à toi !

Avais-je bien entendu ce qu'il avait crié si fort ? Pensait-il que je voulais me suicider ? Jamais je n'aurais fait cela, jamais. Je tenais trop à la vie. C'était impensable pour moi.

Certes, j'étais paumée et malheureuse, mais de là à me jeter sous un train. Comment pouvait-il penser cela de moi ? J'avais perdu ma maman injustement. Comment aurais-je pu intenter à ma vie si précieuse ? Maman me disait toujours d'être prudente, d'être raisonnable. Je l'avais toujours écoutée.

Alors, me jeter sous un train ? Impossible.

Dévastée par ce tout ce que je venais de vivre, je me mis à pleurer. William s'approcha de moi, pâle comme un linge.

-Je croyais vraiment que tu allais le faire, dit-il.

Il avait les yeux humides, mais Will ne voulait pas pleurer devant moi.

-Je voulais t'empêcher de sauter, Idgie. Je ...

-Tu croyais vraiment que j'allais faire ça ?

Il me regarda enfin, droit dans les yeux, comme avant.

-Oui.

-Je n'aurais jamais fait ça.

-Lali m'a dit que tu étais vraiment mal.

-Tu as parlé avec Lali de moi ?

-Oui. Et j'aurais dû le faire plus tôt. Je suis désolé.

-Oui, tu aurais dû !

-Je suis vraiment désolé, Idgie.

-Pourquoi tu te moquais de moi à l'école ? Tout le monde pouvait se moquer de moi, mais pas toi.

-J'ai fait n'importe quoi. Je le regrette vraiment.

-Tu m'as blessée, tu le sais ça ?

-J'aimerais tellement revenir en arrière, si tu savais.

-Pourquoi ?

-Je ne sais pas trop.

-Pourquoi William ?

Il me fixa longuement.

-Pourquoi tu m'as fait ça ? répétai-je en larmes. Je veux comprendre.

William baissa les yeux, honteux, le souffle coupé par l'émotion.

-J'étais jaloux. J'avais l'impression que tu cherchais à être une star, que tu n'étais plus comme avant.

-Mais c'était faux.

-Je le comprends maintenant.

-Tu aurais pu m'en parler ? Pourquoi tu ne l'as jamais fait ? On était inséparables avant, non ?

-Ton père ne voulait plus que je vienne chez vous et à l'école, tout le monde ne parlait que de toi. J'avais l'impression que tu m'avais oublié, que ...

-J'avais besoin de toi.

-Je suis désolé. J'aurais dû être auprès de toi après le décès de ta maman. J'ai été nul, un vrai minable.

-Je suis d'accord avec toi, tu as vraiment été nul.

Brusquement, je me mis à rire nerveusement.

-Pourras-tu un jour me pardonner, Idgie ?

Je lui souris tristement.

-Peut-être, je ne sais pas.

-Tu me laisses une deuxième chance ?

-Peut-être bien, mais tu as intérêt à assurer cette fois.