Chap 42: pdv du contrôleur de train

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   Je savais que dans le train où je contrôlais les passagers, il n'y avait que moi qui faisais le job.

Les équipes étaient en sous-effectif depuis des mois et cela m'arrangeait bien de ne jamais croiser personne. J'avais l'impression que les gens auraient pu voyager gratuitement, personne ne s'en serait rendu compte, à part moi. Et ce fait me convenait parfaitement. Être tranquille et se sentir utile. Contrôler les gens pour avoir un contact, pour ne pas être seul.

Je croisai de nouveau Céleste et grâce à elle, je me sentis mieux, comme apaisé. Elle m'aidait à sourire alors que je me sentais tellement mal. Je réalisai à quel point j'avais attendu toute la journée pour la croiser.

Lorsque je m'approchai d'elle, elle me présenta son titre de transport spontanément, un sourire sincère sur les lèvres.

-Je suis content de vous revoir, osai-je lui dire timidement.

-Moi aussi, avoua-t-elle.

-Un jour, j'aimerais vous offrir un café, mais je ne crois pas que j'oserai vous le demander.

Elle rougit puis elle hésita à répondre :

-Peut-être que je dirai oui le jour où vous oserez.

-Je l'espère.

Elle me tendit son billet de train, mais lorsque je baissai les yeux pour le saisir, quelque chose m'arrêta.

Ma conscience peut-être ? Je ne pus pas le saisir. Impossible, car tout était faux. Plus rien n'avait de sens. Ce n'était qu'un mensonge de plus, une fraude pour survivre.

Elle me regardait avec confiance alors que quelque temps auparavant, c'était de la méfiance qui diluait ses prunelles.

Je souhaitais être à cent pour cent honnête avec elle. Je ne pouvais pas la baratiner une seconde plus.

Je fis non de la tête sans oser prononcer un mot.

-Pourquoi vous ne le contrôlez pas ?

-Parce que vous me faites confiance.

-En effet, je vous fais confiance. Mais pourquoi parlez-vous de confiance tout à coup ? Je ne comprends rien.

Je la dévisageai longuement comme si mon univers allait brusquement s'effondrer, mais je ne voulais pas mentir. Dans le passé, quelques mensonges semblant anodins avaient déjà ruiné mon existence.

Je finis par lâcher tristement :

-Parce que je ne suis pas contrôleur. Je ne l'ai jamais été.

Céleste me fixa, choquée par ma réponse inattendue.

-Quoi ? Mais ...

-Je ne suis qu'un mec paumé.

-Mais de quoi parlez-vous ?

-Je dois vous avouer que je me suis attaché à vous à force des quelques semaines passées à vous croiser, mais je ne veux pas vous mentir. Ce serait mal et injuste.

-Je ne comprends rien à ce que vous dites.

-Je ne suis pas contrôleur de train. Je veux être honnête avec vous, c'est tout. Vous le méritez.

-Mais qui êtes-vous alors ?

Je réalisai que je ne savais pas répondre à sa question.

Qui étais-je réellement ?

-Je ne suis personne.

Je tournai les talons tout en m'excusant plusieurs fois, la gorge serrée, les larmes aux yeux. Lorsque les portes du train s'ouvrirent face à moi, je sortis du wagon pour la dernière fois.

Plus jamais je ne pourrai remettre un pied dans ce train. Je n'avais jamais été un vrai contrôleur. J'essayais juste de survivre à ma propre vie.

Cette mascarade m'avait aidé à ne pas sombrer, à ne pas abandonner

Cette idée folle m'avait aidé à supporter l'absence d'Aiko.





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J'espère que vous avez apprécié ce rebondissement ! 

Bientôt la suite ! 

Le train de nos vies ordinairesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant