A l'ombre d'un chêne, adossé contre le tronc, Nolan se cachait dans la cour du palais. Il en avait marre d'étudier. Trop de fois on lui avait répété que les humains ne méritaient pas de se mélanger à leur espèce, que les royaumes de Roweth et de l'Auroramore jalousaient la puissance de l'Emaya et de Braf. Malgré tous ce qu'il avait pu entendre et lire, il ne rêvait que d'une chose, s'évader de ce maudit palais et aller explorer tous ces interdits.
Il savait que son père à son âge avait parcouru les terres d'E.R.A.B. et avait même été au-delà, tout ce qu'il connaissait, c'était ce palais. Ces murs blancs de roches et ce jardin royal, il ne pouvait pas sortir au-delà du bâtiment, pour sa sécurité. Il observait souvent la vallée à travers sa fenêtre, mais ne pas pouvoir y accéder le frustrait énormément. Il détestait ça. Il se sentait enfermé.
Tous les jours se ressemblaient, le matin il étudiait, l'après-midi il s'entrainait et le soir il mangeait dans les cuisines avec les serviteurs du palais sauf si son père l'invitait à sa table. En dehors des elfes du palais et de sa nourrice humaine, Marelle, il ne côtoyait personne venant de l'extérieur. Son père, le roi Gorimi refusait de le croiser tant qu'il ne serait pas digne de devenir le prochain souverain du royaume. Les orcs se moquaient de lui parce qu'il n'avait aucun pouvoir et que par moment, il avait les yeux violets. Il n'y pouvait rien, il était né ainsi, il ne l'avait pas choisi. Pourtant, parmi eux, il s'était lié d'amitié avec une jeune elfe de feu. Ils avaient le même âge, mais depuis qu'il avait entendu la conversation entre son père et la mère de Pyjla, il l'évitait.
— Nolan ! Je te vois !
Il leva les yeux au ciel en soufflant, déçu d'avoir été découvert aussi rapidement. La jeune elfe se rapprocha. Elle portait une longue robe de velours rouge et de broderies dorées. Ses cheveux étaient attachés en un chignon épais et haut, décoré d'un serre-tête de ronces et de rubis. Elle était magnifique, on ne pouvait le nier, mais jamais il ne voudrait d'elle comme épouse. Il considérait Pyjla comme sa sœur, ils avaient grandi ensemble.
Elle releva un peu sa robe pour s'asseoir à ses côtés dans l'herbe.
— Tu devrais arrêter d'écouter les idioties de Puerth, il n'est qu'un jaloux, tu le sais pourtant.
— Il est ton frère !
— Mon imbécile de frère, sourit-elle.
La mère de Pyjla et Puerth faisait partie des orcs qui étaient venus s'installer dans l'Emaya lors de la toute première vague. Les elfes de feu vénéraient Gorimi, il était celui qui les avait libérés de leur royaume de lave et de la famine, celui qui leur avait offert des terres bien plus riches que celles sur lesquelles ils vivaient autrefois. Le volcan Braum se trouvait juste derrière l'une des montagnes de la vallée. Pyjla et Puerth n'avaient plus de père, et leur mère s'était étrangement rapproché du roi, sans pour autant devenir officiel, elle était pratiquement devenue sa conseillère.
— Ben alors Nolan, on se cache ?
Des rires retentirent derrière eux, Puerth et d'autres adolescents de la cour se tenaient derrière lui.
— Je n'arrive pas à croire que tu sois le fils du roi, je pense que ta mère a perdu la vie parce qu'elle était désespérée d'avoir engendré un enfant sans pouvoir.
— Puerth ! pesta Pyjla.
Un sourire narquois s'étira sur ses lèvres, Nolan se redressa immédiatement, il était hors de question qu'il le laisse insulter la mémoire de sa mère. Il s'approcha d'un pas décidé sur Puerth et il le poussa de toutes ses forces.
— Ô est-ce que je t'aurais vexé ? Pauvre petit Nolan, pourtant c'est bien ce que tu es ? Une espèce d'elfe sans pouvoir comment on appelle ça déjà ? Un humain.
Nolan serra le poing si fort que lorsqu'il se cogna contre la joue de Puerth il ne sentit aucune douleur. Ses yeux devinrent violets, comme si des circuits électriques étaient prêts à exploser. Puerth se massa la mâchoire et il se jeta à son tour sur Nolan le faisant tomber en arrière. Il s'assit sur son bassin et lui octroya deux autres coups avant que Nolan ne reprenne le dessus, le frappant tout aussi fort. L'orcs ne se laissa pas faire et il claqua des doigts créant une étincelle qui brula Nolan à la joue.
Averti par les cris que provoquèrent les six elfes adolescents spectateurs, Hermal, l'elfe de feu en charge de leurs cours de défense et de maniement des armes les sépara.
— Mais enfin, je peux savoir ce qu'il vous prend à tous les deux ?
— Ce n'est pas de ma faute s'il n'est pas capable de se défendre, cracha Puerth alors que Nolan saignait à sa pommette.
— Puerth ! Je te signale que Nolan est le prince, tu lui dois le respect.
— Quant à vous, en tant que prince héritier vous vous devez de montrer le bon exemple, un peu de sang-froid face à des idioties ! Je vais être obligé de le rapporter à votre père.
Nolan grimaça en le regardant. Hermal n'était pas méchant, il ne prenait jamais parti, mais il était obligé de rapporter au roi tout ce qui concernait, en bien ou en mal, les faits et gestes du prince.
*
La brûlure était en train de cicatriser lentement, ne laissant qu'une trace rouge qui disparaitrait d'ici le lendemain. Il était accoudé à table, le nez tombant pratiquement dans son bol de potage. Il n'avait pas faim, il était en colère. Marelle prit place sur un tabouret en face de lui.
— Nolan, vous devriez manger.
— Marelle, quand vas-tu enfin te décider à me tutoyer !
— Vous savez bien votre Majesté que je n'en ai pas le droit, si on m'entend et que cela est rapporté à votre père...
— Mon père n'en a que faire de moi. Je suis le fardeau qui l'empêche d'avancer. Je me demande même pourquoi il me garde en vie si c'est pour me traiter ainsi.
— Vous ne devriez pas dire ces choses-là.
Il redressa la tête en soupirant et il tendit la main par-dessus la table pour attraper celle de la dame potelée en face de lui.
— Marelle, tu es comme ma mère, tu le sais.
— Votre mère était une femme merveilleuse.
— Est-il vrai qu'elle est morte parce qu'elle était triste d'avoir eu un fils comme moi, dépourvu de magie ?
— Nolan, qui vous a mis cette idée dans la tête ? Encore Puerth ?
— C'est donc vrai ?
— Bien sûr que non ! La reine Malya vous aimait profondément, nous ne savons pas les causes de son décès.
Il pouvait voir dans ces yeux qu'elle mentait, mais depuis son enfance, personne n'avait été capable de lui dire exactement les raisons de la disparition de sa mère. Il ne comprenait pas comment un être immortel avait pu perdre la vie. Sa mère avait un époux et un enfant, ainsi qu'un merveilleux royaume, il était impensable qu'elle soit morte de chagrin. Le roi avait interdit au royaume de parler de la reine, elle était morte et enterrée. D'ailleurs, il avait laissé les années et les plantes recouvrir sa tombe pour ne plus jamais avoir à la revoir.
— Pourquoi personne ne veut me le dire ?
— Mais parce que nous ne savons pas, insista Marelle.
— Je t'en prie Marelle, j'ai grandi avec toi, je sais pertinemment dire quand tu me mens et c'est le cas !
Il tapa du poing sur la table, ce qui fit sursauter l'humaine. La colère qu'il avait éprouvée s'effaça instantanément. Il s'en voulait de s'être emporté contre Marelle. Elle était bien la seule dans le palais qui le traitait correctement, elle ne méritait pas ses sautes d'humeur. Par moment, il avait l'impression qu'il pourrait tout brûler, ruiner le palais en poussière puis, il pensa à sa nourrice qui était toujours calme et patiente et qui ne méritait aucunement tout ce mal qu'il côtoyait dans ses pensées.
*
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Le Royaume de l'Emaya [MM]
FantasyLes Terres de l'E.R.A.B. étaient scindées en quatre royaumes distincts, gouvernés par des elfes où l'entente, entre les humains et les elfes, avait toujours été acquise depuis des millénaires. Lorsque Gorimi, roi de l'Emaya, s'allia aux elfes de feu...