Chapitre 14

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Teddy serra les dents alors que le cuir lui rongeait la peau une nouvelle fois. Les gardes ne comprenaient pas comment depuis deux jours l'elfe de la terre cicatrisait mieux que les autres fois, alors ils redoublèrent d'effort.

La seule idée de retrouver Nolan le soir le réconfortait, grâce à lui et à ses ravitaillements il guérissait plus vite. Il appréciait les moments où il lui rendait visite même si parfois cela était bref. Ils avaient échangé un peu plus et l'elfe aux yeux changeants était très curieux de connaitre le monde qu'il n'avait jamais connu. Teddy adorait répondre à ses questions et lui en apprendre davantage.

— Tu sembles bien résistant au châtiment du fouet, mais si nous passions au feu ? Peut-être deviendrais-tu plus docile ?

— Si vous pensez que la torture me fera parler, vous vous trompez, vous ne tirerez rien de moi ! Je ne vous donnerai aucune information sur mon peuple !

Le roi fit rentrer une elfe de feu dans la salle.

— Ma chère Neigma, ce prisonnier est à vous.

Avec les mains enchainées et attachés autour d'un poteau métallique, Teddy ne pouvait pas réellement se défendre, la magie n'opérait pas à cause de ses chaines. Lorsque la dite Neigma lança contre lui une flamme, il ne put l'empêcher d'épouser son torse. La flamme retraçait les courbes de ses muscles et lui faisait fondre sa peau, exposant ses chairs à vifs. Il ne sut retenir un cri puissant de sortir de sa gorge, des larmes s'écoulèrent de ses yeux mais la chaleur qui l'enveloppa les transforma en vapeur. La douleur était telle qu'elle lui fit perdre connaissance.

— Il est déjà fini ? demanda le roi.

— Je dirais qu'il est cuit, rit Neigma.

Le roi et les gardes se mirent à rire à la blague et Gorimi ordonna aux gardes de le renvoyer au cachot jusqu'à nouvel ordre. Il était fatigué de la torture qui ne donnait rien, il n'obtenait aucune information de ces elfes. Le prisonnier de l'eau était mort, il se gardait le prisonnier de la terre pour plus tard, lorsque la folie et l'isolement lui ferait peut-être avouer et lui dire où se cachait le campement de l'ennemi.

La blessure que lui avait administrée l'elfe de feu était bien plus profonde que ce qu'il avait imaginé. Il allait soit succomber à ses blessures soit se rétablir très lentement.
Mais Gorimi avait d'autres projets pour le moment, comme le bal en l'honneur du prince. Mais qui voudrait bien épouser un prince sans pouvoir ? Il souriait pour lui-même, il n'était pas prêt à céder son trône aussi facilement et ce soir le royaume se rendrait compte que son fils n'en était pas digne.

*

Au campement des troupes ennemies, les elfes de l'eau et de la terre s'étaient habillés, ils avaient récupéré et ils comptaient bien prendre leur revanche et réduire à néant ce qu'il restait du palais de l'Emaya. Il était hors de question de laisser une fine victoire au roi Gorimi, s'ils le faisaient sombrer ce soir, alors ils pourraient reconstruire tout ce qu'il avait détruit depuis ces seize dernières années.

Anthony aida Théodore à enfiler son armure.

— J'espère que nous retrouverons Teddy, j'ai le sentiment de commencer à le perdre. Et si nous arrivions trop tard ?

— Théodore, ne t'inquiète pas nous le retrouverons. Je suis certain qu'il garde espoir et qu'il compte sur nous. Nous allons le retrouver et ensemble nous allons faire tomber le royaume de l'Emaya. Bientôt, nous retrouverons nos terres sans frontière et la paix que nous cherchions.

— Tu ne trouves pas ça ironique de devoir faire la guerre pour réclamer la paix ?

— Malheureusement, nous n'avons pas le choix. Gorimi mérite de périr au fin fond d'un cachot, de subir une mort lente et douloureuse après tout le mal qu'il a fait subir à nos peuples.

La corne résonna à l'extérieur de la tente, c'était le signe qu'il fallait se rassembler. Le départ était proche. Le temps que le soleil se couche ils seraient de nouveau devant le palais de l'Emaya et l'attaque serait plus intense.

*

Lorsqu'il franchit le seuil du cachot, Nolan fut choqué de voir que Teddy gisait dans une mare de sang. Il l'appela à plusieurs reprises en tapant contre les barreaux mais il se trouva sans réponse. Il ne pouvait pas le laisser ainsi, il fallait qu'il l'aide.

Il remonta les marches rapidement et il repartit en direction des cuisines pour chercher le nécessaire. Il retrouva sa servante préférée qui semblait préparer le repas et il se rua sur elle en l'attrapant par les épaules, le regard inquiet.

— Marelle ! J'ai besoin de ton aide !

— Qu'y a-t-il Nolan ?

— Il me faut quelque chose qui puisse ouvrir une porte.

— Une clé ?

— Marelle, si j'avais la clé je ne m'embêterais pas à venir jusqu'ici pour chercher un outil.

— Que cherchez-vous à faire ?

Alors qu'ils étaient en train d'échanger, il s'évertuait à chercher à travers des tiroirs, mais les couteaux étaient bien trop épais, il lui fallait quelque chose de plus fin.

— Le prisonnier, Marelle. Mon père l'a laissé dans un bain de sang, je ne peux pas le laisser ainsi, je dois le soigner, mais je n'ai pas la clé de la cellule et tu comprends bien que je ne peux pas la demander à ces abrutis de gardes.

— Vous allez vous attirer des ennuis mon prince, je ne peux pas vous laissez faire.

— Marelle, je t'en prie, il ne peut pas mourir !

— Vous êtes-vous attaché à ce prisonnier ?

Nolan marqua un temps d'arrêt. S'était-il attaché au prisonnier ? Sans doute. Il avait appris à apprécier leurs échanges. Il s'était rendu compte que l'ennemi n'était pas si horrible que ce qu'on lui avait toujours dit. Teddy ne prenait pas de pincettes pour lui parler, il ignorait qu'il était le prince et Nolan appréciait de se faire flatter par un inconnu, bien qu'il soit un homme et non une femme. Il s'avoua que c'était vraiment plaisant et quelque chose en lui l'attirait.

— Il est comme mon ami.

— Très bien, essayez avec ceci.

Elle s'approcha d'un tiroir et en sortit une broche en forme de branche. Elle était en argent et fine mais avait l'air suffisamment solide pour pouvoir la forcer à l'intérieur d'une serrure.

— Elle appartenait à votre mère. Une broche fine et robuste, subtil et élégante, une arme parfaite en cas de danger, tout comme elle l'était.

— Merci Marelle !

Il l'enlaça en la serrant fortement et elle se laissa aller à cette étreinte pleine de douceur. Elle aimait Nolan comme son fils, elle ferait tout pour le rendre heureux, même si cela signifiait se mettre en danger.

— Promettez-moi de faire attention. Je ne veux plus vous savoir enfermé dans ce maudit cachot.

— Je te le promets.

Elle attrapa son visage en coupe et elle lui caressa la joue. Le bébé dont elle avait pris soin pendant de nombreuse années allait avoir dix-huit ans demain et elle n'en revenait pas qu'il soit devenu un elfe aussi attentionné et bienveillant dans un royaume de ténèbres et de violence.

— Nolan, vous êtes destiné à faire de belles choses mais j'ai le pressentiment que quelque chose d'horrible se trame.

Il posa sa main sur celle de Marelle qui était sur sa joue, il lui sourit chaleureusement.

— Ne te préoccupe pas de moi, je vais bien et je serai prudent.

Il attrapa sa main et l'embrassa chastement avant de prendre la broche et de quitter précipitamment la cuisine. 

*

Le Royaume de l'Emaya [MM]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant