Chapitre 22

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Ils trouvèrent une petite cabane au milieu des arbres, faite de rondins et de mousse. Ils frappèrent poliment à la porte avant de se rendre compte que cette dernière était ouverte et que la petite habitation était vide. Vu la couche de poussière qui s'était entassée sur les meubles, ils estimèrent qu'elle était abandonnée depuis quelques temps déjà. L'odeur saisissante de renfermé qui vint lécher leur paroi nasale prouvait aussi que le logement n'avait pas été aéré depuis longtemps.

— Je propose que nous nous arrêtions ici pour la nuit, voire même quelques jours.

— Nous n'avons pas vraiment le choix, constata Nolan.

— Je suis fatigué de marcher sans savoir dans quelle direction nous nous dirigeons, j'aimerais m'arrêter pour reprendre des forces. Même si je me suis remis de mes blessures, j'ai besoin d'un semblant de repos. Si vous voulez continuer seul, allez-y, rien ne vous retient.

— Effectivement, vous avez besoin de repos pour être redevenu aussi désagréable !

Teddy posa sa cape sur une chaise en bois et il détacha la ceinture de sa taille pour déposer son épée sur la table. Il se rapprocha de Nolan en le fixant, il se pencha en avant pour tendre le bras et passer sa main à l'intérieur des bottes du prince pour se saisir de son couteau.

— Je vais nous chercher à manger, puisque c'est ce que je fais depuis le début. Si vous pouviez aider aussi de votre côté à passer un coup de balai ou de chiffon, ça serait très agréable de votre part.

Nolan fronça les sourcils, mais il ne rajouta aucun mot. Il laissa le silence se charger de l'ambiance. Teddy sortit de la cabane pendant que le prince regardait un peu autour pour trouver de quoi nettoyer.

La cabane était une seule petite pièce avec une table bancale, deux chaises et un tabouret usés, en bois assortis. Deux fenêtres rondes de chaque côté de la cabane permettaient d'avoir une luminosité suffisante mais limitée. Un seul lit large se tenait au fond contre la première lucarne et un évier avec un plan de travail se trouvaient en dessous de l'autre fenêtre qui était à droite de la porte d'entrée.

Il ne sût pas pendant combien de temps il était resté seul dans la cabane, mais faire le nettoyage l'avait calmé, même épuisé. Il avait trouvé des draps de soie et il les avait changés pour retirer ceux qui étaient poussiéreux. Il avait été chercher un seau d'eau dans la rivière pour l'aider à nettoyer la table et le sol. Il avait ramassé quelques fleurs pour apporter un peu de couleurs et de la bonne odeur dans la pièce.

Lorsque Teddy revint avec plusieurs pommes, quelques framboises, des feuilles de menthe et des fleurs comestibles, le soleil à l'extérieur était lentement en train de se coucher. Il posa les aliments sur la table et se retourna sur Nolan qui semblait déçu du butin.

— Je suis désolé, je me doute bien que vous avez envie de manger des choses plus consistantes, mais c'est tout ce que j'ai trouvé.

— Non, c'est très bien. Merci Teddy, sourit-il sincèrement.

Le blond alla se laver les mains en broyant quelques pétales de fleurs avant de les rincer dans l'évier à l'aide d'un verre d'eau qu'il remplissait dans le seau adjacent. Ils prirent place à table et commencèrent à manger en silence avant que Nolan ne se décide à le rompre.

— Si nous étions dans votre royaume, que ferions-nous ?

— Ensemble ? Ou de façon générale ? Parce que si vous voulez savoir ce que je vous ferais, vous pouvez directement aller vous allonger sur le lit, je me ferais le plaisir de vous déshabiller, ricana-t-il.

— Teddy ! Ce n'est pas du tout ce à quoi je faisais allusion, rouspéta Nolan en rougissant. Je me demandais simplement ce que vous feriez à cette heure-ci, chez vous.

— Oh.

Le blond releva la tête, il sembla réfléchir à ce qu'il serait probablement en train de faire s'il était dans l'Auroramore. Nolan admira ses traits et ses yeux s'arrêtèrent sur sa pomme d'Adam qui déglutissait alors qu'il avalait le morceau de pomme qu'il mastiquait lentement.

— Je m'apprêterais à sortir pour aller à la taverne boire un peu d'alcool avant d'aller me faire plaisir avec un humain ou un elfe dont c'est l'habitude, finit par avouer Teddy.

— Vous ne pensez donc qu'à ça ?

— Vous me demandez, je vous réponds. Si la réponse ne vous plait pas que voulez-vous que je fasse ? Que je vous mente ?

— Peut-être que oui.

— Pourquoi vous êtes si prude ? Ça ne vous manque pas de copuler ?

— Qu'est-ce que ça peut bien vous faire si ça me manque. Ça ne vous regarde pas !

— Même si cela ne me regarde pas, il suffit de vous observer pour savoir que vous l'êtes.

— Que je sois quoi ? s'énerva Nolan en sentant ses yeux changer de couleur.

— Vous voyez, vous vous énervez. Ce que vous êtes susceptible. Il n'y a pas de mal à être encore puceau, je comprends mieux pourquoi vous vous offusquez à chaque fois que je parle de sexualité. En revanche, je ne comprends pas. Avec un physique comme le vôtre, je suis sûr qu'elles devaient se bousculer pour vous au palais. Qu'est-ce qui vous en empêchait ?

— Personne ne se bousculait. Ne m'avez-vous donc jamais écouté ? Mon physique n'a rien de commun et je révulsais beaucoup de monde à cause de ma faiblesse et de mes yeux.

Nolan croqua hargneusement dans sa pomme et il baissa la tête. Il repensa à Pyjla, elle était la seule qui lui avait réellement offert de l'attention, même s'il la voyait comme une sœur. Peut-être qu'elle avait pitié de lui et qu'elle ne voulait pas chercher plus loin en se contentant de lui ? Après tout, il était prince, juste le titre devrait lui suffire, mais elle n'était pas comme ça.

Il sortit de ses pensées quand la main de Teddy se posa sur la sienne, le rappelant à la réalité. Il planta ses yeux dans cette douceur noisette et son estomac se noua, le blond cherchait là de l'attention et Nolan ne sût lui refuser.

— Ne laissez plus jamais quelqu'un vous dire que vous ne valez rien. Les pouvoirs d'un elfe ne font pas qui nous sommes. Nous sommes ce que nous faisons de nos pouvoirs. Même si vous êtes têtu, vous êtes de très bonne compagnie. Et je ne dis pas ça parce que votre faciès m'est vraiment très agréable et que j'aimerais beaucoup vous mettre dans mon lit. Nolan, vous êtes né pour être mon ennemi, et pourtant, vous m'avez sauvé la vie. Vous m'avez aidé à sortir du palais, je sais au fond de moi que si j'étais resté dans ce cachot, il ne m'en aurait pas fallu plus pour perdre la vie comme mon allié qui a perdu la sienne à travers les barreaux de fer du royaume de l'Emaya. Je vous serai éternellement reconnaissant de ce que vous avez fait, et j'aime passer ce voyage avec vous.

Le prince se pencha instinctivement vers l'elfe de la terre. En dehors de Marelle, jamais personne ne lui avait fait de tels compliments. Son discours l'émut fortement et dans un désir soudain, il n'avait pas pu retenir son envie de contact. Il ne sut ce qui l'avait poussé à ces gestes, mais il se retrouva à plaquer ses lèvres contre celles de son ennemi. C'était doux, tendre, il sentit un millier de papillons jouer avec ses entrailles. Teddy tendit le bras pour poser sa main sur sa joue, il inclina la tête et entrouvrit ses lèvres pour venir lécher, goûter celles du brun. La caresse humide eut le don de le faire réagir, Nolan se redressa subitement, manquant de tomber de sa chaise. Il plaqua sa main sur ses lèvres, le visage écarlate et il se releva de sa chaise pour sortir de la cabane.


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Le Royaume de l'Emaya [MM]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant