Chapitre 1

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Des cris stridents tranchèrent le silence glacial qui régnait par cette nuit noire en cette fin d'hiver. Le hurlement recommença encore et encore, inlassablement, provenant de la chambre du roi et de la reine. Le palais s'agitait dans tous les sens telle une fourmilière en effervescence. Des gardes étaient postés devant la porte pour ne laisser personne d'autre s'approcher et protéger la royauté pendant un moment de vulnérabilité.

Le roi Gorimi se tenait assis sur le lit à côté de son épouse. La reine était recouverte de sueur, ses longs cheveux bruns lui collaient aux tempes, sa robe était tâchée de sang et de liquide amniotique. Elle tentait de contrôler son souffle pour donner la force nécessaire à chaque poussée, son époux essayait de faire du mieux qu'il pouvait pour l'encourager mais plus les minutes passaient et plus elle faiblissait.

Deux soigneurs se tenaient aux pieds du lit devant l'entrejambe écarté de la reine pour s'assurer que l'accouchement se déroulait pour le mieux.

— Votre Majesté, les cheveux sont là, c'est bientôt fini, il faut continuer à pousser, vous y êtes presque, encouragea l'un d'eux.

La reine lança un regard las au roi alors que sa servante lui épongeait le front pour la énième fois. Elle n'en pouvait plus, elle ne savait pas depuis combien de temps elle était restée recourbée ainsi, depuis combien de temps elle subissait les crampes, mais la douleur était trop puissante pour la maintenir consciente encore longtemps. Tout ce qu'elle savait c'était que lorsqu'elle avait perdu les eaux, le soleil était encore haut dans le ciel, et que désormais, à travers la fenêtre de la pièce elle constata qu'il faisait sombre à l'extérieur. Elle était à bout de force.

— Gorimi, pardonne-moi, je n'ai plus la force, murmura-t-elle.

— Ne dis pas ça, Malya, je sais que tu peux le faire !

Il essayait tant bien que mal de lui transmettre de sa force à travers son regard de saphirs. Il s'approcha pour lui embrasser tendrement le front en lui prenant les doigts qu'elle broyait dans sa poigne. Elle inspira profondément en hurlant de toutes ses forces, comme si cela pouvait soulager la douleur qu'elle ressentait dans ses reins, mais l'air qui s'échappa de ses poumons lui fit perdre connaissance. Elle se laissa retomber mollement en arrière sur le matelas, inconsciente. Gorimi lança un regard alerte aux soigneurs qui semblèrent tout aussi confus que lui.

— Et bien alors ? Qu'est-ce que vous attendez ? Faites votre travail si vous voulez sortir de cette chambre, vivants !

— Votre Majesté, si la reine ne peut le mettre au monde, nous ne pourrons pas le faire à sa place.

— Attrapez l'enfant, et faites-le sortir ! Vous êtes des soigneurs bon sang !

La servante essaya de secouer sa maitresse pour l'aider à reprendre conscience. Elle lui tamponna un chiffon d'eau fraiche sur la figure et doucement les yeux de Malya papillonnèrent avant qu'elle ne se mette à pleurer, suppliant qu'on arrête, qu'elle n'en pouvait plus. L'un des soigneurs, pressé par le roi, glissa alors un forceps dans son vagin pour venir le crocheter autour du crâne de l'enfant et tirer tout doucement. La reine se redressa dans le lit et poussa encore, son visage se déformant et rougissant au fur et à mesure que le petit être soit extrait de son corps, non sans manquer de lui créer une déchirure.

Soudain, un cri aigu retentit, mais il ne fût pas aussi strident que ceux que la reine s'était évertuée à exprimer, non, c'était ceux du nourrisson qui prouvaient qu'il était bien arrivé dans le royaume saint et sauf et que ses poumons tout neufs étaient fonctionnels. Un des soigneurs coupa le cordon et enveloppa le bébé dans un drap de velours bleu prévu à cet effet, il le tendit à la reine qui l'attrapa en tremblant.

Le Royaume de l'Emaya [MM]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant