Le Royaume de l'Emaya [MM]

Chapitre 40

Un silence presque palpable régnait sur la place. Roweth et Auroramore s'étaient rassemblés, le bleu et le vert se mêlèrent afin de contraster avec le noir et le rouge que les troupes ennemies arboraient. Les rois Emethyste et Jadieth se tenaient en tête de file, ils attendaient un signe, un mouvement pour leur indiquer si le royaume de l'Emaya était prêt à négocier.

Une elfe de feu s'avança à travers ses soldats, elle était assise sur son cheval noir, elle scrutait la foule de ses yeux rouges. Elle portait une armure près du corps qui laissait distinguer les courbes de sa poitrine, en dessous de cet habillage d'argent, elle avait une jupe en cuir noir qui lui arrivait aux genoux. Ses cheveux hirsutes étaient relevés en un chignon et sur le haut de sa tête elle portait une couronne de ronces. Elle afficha un sourire carnassier et fier. Lorsqu'elle fut à hauteur des rois, elle prit la parole.

— Je suis Neigma, la conseillère principale du roi Gorimi, souverain du royaume de l'Emaya et de Braf. Il semblerait que vous ayez quelque chose qui m'appartienne.

— Pourquoi Gorimi ne vient-il pas se présenter à nous lui-même ? questionna Jadieth.

— Et depuis quand les femmes font-elles partie de nos guerres ? ajouta Emethyste.

— C'est très simple, depuis que vous avez capturé mon fils vous m'avez involontairement inclus. Une mère se doit de venir au secours de sa progéniture, et vu que les hommes ne sont que des incapables, je suis venue moi-même demander à ce que vous le relâchiez !

— Votre fils ? insista Jadieth.

— Un elfe de feu est venu s'introduire dans notre royaume. Il a attaqué l'un des nôtres, il était normal que nous le capturions afin qu'il ne répète pas son insolence sur d'autres innocents de mon peuple, avoua Emethyste.

Le roi de l'Auroramore, ordonna à ses soldats de lui amener le prisonnier. Ils s'exécutèrent et Nolan marcha à leur côté en restant droit. De là où il se trouvait Teddy était incapable d'entendre la conversation, mais il essayait de distinguer les mouvements à travers les rangées de ses camarades.

Nolan ne baissa pas la tête lorsqu'il se trouva aux côtés des rois face à Neigma. Elle, en revanche, le regardait avec beaucoup de mépris. Elle ne descendit pas de son cheval et son air la rendit encore plus hautaine.

— Si le prince est ici, pourquoi n'est-il pas un prisonnier comme mon fils ?

— Le prince a sauvé l'un des nôtres et il a su gagner notre confiance, il est libre de retourner dans votre royaume si c'est ce qu'il souhaite. Nous ne souhaitons pas la guerre, nous voulons seulement échanger.

Nolan fût tout aussi surpris que Neigma, est-ce qu'il pouvait vraiment retourner dans l'Emaya après tout ce qu'il avait vécu ici ? En avait-il seulement envie ?

Pour autant, aucun des rois n'ordonna la liberté de Puerth. Ce dernier regardait sa mère en serrant les dents, la femme en revanche ne pouvait retirer ses yeux du prince. Elle ne comprenait pas comment il pouvait être encore en vie et surtout ne pas être un prisonnier en vue de son statut.

De lourds nuages épais firent leur apparition, recouvrant tellement la clarté du soleil que cela donna l'impression que la nuit tombait subitement.

— Je désire que vous relâchiez mon fils.

— Qu'avons-nous à y gagner si nous le faisons ? demanda Emethyste.

— Pour le moment ? Pas grand-chose, je ne puis parler en l'absence du roi mais sachez que derrière moi se tient une armée d'elfes et d'orcs bien plus nombreuse que vos deux royaumes réunis, je pense que si vous ne le libérez pas simplement, ma patience pourrait avoir des limites et vous pourriez nous faire enclencher les premières festivités bien plus rapidement que vous ne le pensiez.

Le prince observa les troupes qui se tenaient derrière elle plus attentivement. Il reconnaissait les elfes de l'air, de feu et il était horrifié de découvrir des vrais orcs. Des créatures nées de la lave, à la peau brulée, au visage disgracieux, aux dents jaunis et apparentes, pointues pour certains. Leur peau grise était noircie par endroit, elle semblait presque huileuse tant elle luisait. Les quelques montures sur lesquelles ils se tenaient n'avaient rien à voir avec le majestueux cheval que montait Neigma. Nolan n'avait jamais vu de créatures aussi sinistres. Elles faisaient penser à des trolls à quatre pattes, des énormes crocs sur leurs mâchoires inférieures sortaient de leurs gueules laissant de la bave couler, leurs peaux ressemblaient à celles de orcs, seulement on pouvait voir leurs os sortirent par endroit de leurs côtes. Il réalisa que son père avait enfin fait ce qu'il voulait faire depuis plusieurs années, il avait coulé du volcan de Braum toute une armée prête à lui servir corps et âmes... Si seulement ces créatures disposaient d'âmes.

Gorimi avait détruit toute sorte d'humanité dans l'Emaya et il était en train de gouverner un peuple qu'il avait bâti de toute pièce. Ce n'était pas le royaume que Nolan souhaitait gouverner. Il était le prince, il pourrait même accepter de se marier sans amour pour accéder au trône, mais il refusait de proliférer cette idéologie qu'il ne partageait pas avec son père. Le monde était incroyablement beau, la nature était resplendissante, les humains étaient ingénieux, il restait tant à explorer, de royaumes à découvrir, de couleurs à dessiner et ce n'était certainement pas ces créatures sombres dans ces décors sanglants avec lesquelles il souhaitait se voir évoluer.

Nolan tourna la tête dans les rangs, il n'aperçut pas le blond avec lequel il avait envie d'échanger un regard d'encouragements mais il croisa celui d'Hans, puis d'Anthony. Cet elfe et cet humain étaient devenus ses amis, ils l'avaient accepté sans avoir de doute, juste tel qu'il était. Son cœur se serra alors qu'il pensait que peut-être d'ici quelques heures il serait mort mais il décida qu'il serait mort en se battant ce en quoi il croit, et Nolan croyait en l'union et non en la division. Il croyait en l'amitié bien plus qu'en la compétition, et il croyait éperdument en l'amour bien plus qu'à la mort. Il ferma les yeux quelques secondes et des images indécentes vinrent lui caresser l'esprit, l'idée d'une nouvelle étreinte avec Teddy le consuma, il était hors de question qu'il laisse tout cela lui échapper. Il y avait goûté, il ne pourrait plus s'en passer.

Il s'avança d'un pas sûr vers Neigma prêt à la défier et à lui dire le fond de sa pensée, mais il fût rapidement interrompu dans sa bravoure par un cri strident qui surgit au-dessus des nuages. Il reconnut Hypéria, il releva la tête pour apercevoir l'immense créature traverser le ciel et venir se poser entre les deux clans dans une brume de poussière et de fumée. 

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