Chapitre 6

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Le soleil se leva difficilement derrière l'épaisse couche de nuages gris. La première nuit au campement fut rude, il avait eu froid et du mal à trouver le sommeil, heureusement il avait le droit d'avoir sa propre tente, mais cela ne l'avait pas empêché d'entendre ses soldats ronfler ou festoyer jusqu'à point d'heure. Il aurait aimé faire la guerre à une autre période que la fin de l'hiver mais il était plus que temps de rétablir les choses.

Il s'étira de tout son long, il sentit son érection matinale se dresser contre le vêtement de son pantalon et il grimaça pour lui-même. Il n'allait malheureusement pas retrouver Marcus avant un long moment. Il repensa au soir à l'auberge puis à la nuit torride qu'il avait passée avec lui. Teddy avait toujours su qu'il était attiré par le genre masculin et cela était assez courant dans les royaumes de l'Auroramore et de Roweth. Il trouvait les femmes magnifiques, mais rien ne valait la silhouette nue d'un homme surtout quand il pouvait le dominer et prendre le contrôle de la cadence. Il adorait ça, il ne s'attachait pas, il cherchait exclusivement le plaisir et quelle ne fut pas sa surprise lorsqu'un soir il rencontra Marcus.

Il avait été envoûté par son corps fin, son déhanché, sa bouche experte, il pourrait jouir rien que d'y penser, mais il se fit rappeler à l'ordre par le sifflet du colonel qui appelait à se lever tous les soldats et caporaux de ses rangs.

Dix minutes plus tard, il sortit de sa tente, une armure d'acier sur le corps. Son épée d'argent attachée à sa taille et rangée dans son fourreau. Il marcha pour aller à la rencontre de ses soldats qui le saluèrent, puis ensemble ils s'inclinèrent face au roi Emethyste.

— Soldats, veuillez compter cette journée comme la première d'un long périple, je compte sur vous pour mettre en pratique ce que vous avez appris durant ces longues années d'entrainement. Aujourd'hui, nous allons retrouver l'armée de Roweth et ensemble nous nous rendrons à l'affront du roi Gorimi !

Les soldats acclamèrent Emethyste en cognant leurs avant-bras contre leurs torses afin de faire résonner le bruit de leurs armures. Le roi leva la main pour que les guerriers se calment et écoutent ce qu'il avait à rajouter.

— Je compte sur les chefs de rangs, mes colonels, mes caporaux, même sur mes soldats de ligne pour garder sous votre aile les plus jeunes. Protégeons-nous, défendons-nous !

*

Aux alentours de midi, après plus de quatre heures de marche et de chevauchées pour certains soldats qui faisaient partie de la cavalerie, ils s'arrêtèrent près d'un point d'eau pour se ressourcer et reprendre des forces.

Teddy alla s'asseoir sur un rocher dans le cercle qu'avait formé ses soldats dont son petit frère faisait partie depuis bientôt un an.

— Pas trop anxieux ? demanda le plus jeune.

— Anxieux ? J'ai attendu ce moment presque toute ma vie !

— Je t'ai entendu parler de ce moment toute ma vie.

Ils avaient été élevés par leurs grands-parents, Théodore n'avait que deux ans lorsque leurs parents décédèrent et depuis tout petit il avait entendu Teddy dire qu'il passerait sa vie à se venger de cette injustice.

— Gorimi ne mérite pas son royaume, il mérite de souffrir autant qu'il nous a fait souffrir. J'aimerais lui arracher l'être qu'il aime le plus au monde pour le tuer devant ses yeux, seulement la reine est morte depuis des années... Pas étonnant quand on épouse un elfe aussi abject que lui !

— Tu sais qu'il a un fils, le prince.

— Dans ces cas-là, je capturerai le prince et je le planterai de mon épée avant de la planter dans le cœur de Gorimi !

— Tu penses que tu en serais capable ?

— Capable ? Théodore, je suis entrainé pour ça, je ne pense pas, j'en suis sûr !

— Tu pourrais tuer un elfe aussi jeune que moi ?

Les mots de Théodore résonnèrent en Teddy. Il n'avait jamais pensé à ça, il était seulement rempli de colère lorsqu'il devait penser au souverain du royaume de l'Emaya, mais si la situation se présentait, serait-il capable de tuer un elfe qui a encore toute la vie devant lui ?

— Aussi jeune soit-il, s'il a grandi dans les idéaux de son abominable père, il ne peut qu'être une personne horrible. Qui peut penser que nous sommes des êtres supérieurs au point de juger de la vie des autres espèces ?

— Nous sommes tout de même supérieurs aux humains, rajouta Théodore.

— Pourquoi ? Parce que nous avons de la magie dans les mains ? Certains des nôtres en sont dépourvus et pourtant ils sont merveilleux ! Les humains aussi sont merveilleux... D'ailleurs, il me semble t'avoir vu avec Théa l'autre soir à la taverne.

— On s'est beaucoup rapprochés dernièrement, c'est la première fois que je craque sur une humaine, mais elle est merveilleuse.

— C'est parce que les humains n'ont qu'une seule vie qui est courte, ils en profitent bien mieux que nous. Mon frère, je crois que tu es en train de tomber amoureux, tu as fini de butiner toutes les fleurs que tu voulais cueillir ?

— Teddy, tu sais, on ne peut pas s'amuser éternellement à changer de compagnie sous prétexte qu'on le peut. Je pense que Théa pourrait être la bonne.

— Tu disais ça de Martha, Hyacinth, Marguerite et Violette je crois.

Le plus jeune leva les yeux au ciel en souriant. Ils étaient tous les deux frivoles, ils n'allaient pas s'en plaindre, ils aimaient plaire et séduire et leurs physiques ainsi que leurs statuts de soldat pesaient lourdement dans le poids de leur popularité.

— Pourtant, je suis sérieux. Si nous nous en sortons vivants et que nous revenons sains et saufs à Auroramore, je pense demander à Théa de m'épouser.

— Je promets de te ramener chez nous sain et sauf pour que tu puisses lui faire ta demande comme il se doit.

Teddy se pencha sur son frère pour lui donner un coup d'épaule avant de poser sa large main sur son crâne pour lui ébouriffer les cheveux. Théodore croqua dans son bout de pain et Teddy le regarda faire. Il se jura de ne laisser personne faire de mal à son petit frère, même s'il adorait le taquiner, il était très protecteur envers sa famille et pour lui il était impensable qu'ils ne rentrent pas chez eux ensemble, victorieux de leur quête.

Un sifflet strident retentit, un humain soufflait dans une corne de bœuf annonçant la fin de la pause déjeuner. Ils devaient se regrouper avant de continuer leur chemin jusqu'à l'endroit de rendez-vous où ils allaient retrouver les soldats de Roweth.

— Théodore ? N'oublie pas que désormais je suis ton caporal, annonça Teddy en lui faisant un clin d'œil.

— Je n'oublie pas, mon caporal ! sourit le plus jeune en se mettant au garde à vous.


*

Le Royaume de l'Emaya [MM]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant