Chapitre 20

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Gorimi bouillonnait, il faisait les cent pas à travers la salle du conseil, les mains dans le dos la tête inclinée vers le bas l'esprit pensif. Les représentants du conseil, ainsi que Neigma et les enfants de la cour, dont Puerth et Pyjla faisaient partie, l'observaient en silence.

Le constat était triste, il avait perdu beaucoup de leurs hommes avec cette deuxième attaque, le sortilège de protection, bien que puissant, n'était pas non plus éternel ni indestructible. Les villageois avaient été mis à l'abris dans les sous-sols du palais et pour le moment personne ne donnait un semblant de signe de vie dans le palais de l'Emaya.

Pendant des années, des couloirs souterrains et infiniment longs avaient été creusés dans la roche de la montagne Egna pour pouvoir rejoindre les terres de Braf, sans succès. Les terres n'étaient pas très fertiles aux pieds du volcan de Braum mais elles étaient à l'écart de tout et à l'écart des ennemis puisque jamais personne n'allait s'aventurer sur ces terres et encore moins depuis que Gorimi en était devenu le souverain.

— Combien de temps encore nous faut-il ? demanda sèchement le roi.

— Si tout se passe bien encore cinq jours votre Majesté, répondit un elfe de feu.

— Et si tout se passe mal ?

— Il faudra alors recommencer le processus et attendre deux à trois semaines.

— Il me faut une armée, et vite ! Je ne vais pas laisser mon royaume et mon peuple se faire abattre par des traitres !

Quelques elfes de feu acquiescèrent à ses dires et les elfes de l'air se mirent à les suivre. Les elfes de feu avaient le pouvoir du feu mais ils savaient contrôler la lave et au cœur de cette lave, naissait des orcs. Au fur et à mesure du temps les elfes ont fini par s'accoupler avec leurs propres créations ce qui faisait d'eux des elfes à la peau grise et aux yeux brûlants. Il n'y avait plus de différenciation entre un elfe pur et un orcs, tout ce qu'il en ressortait, était qu'ils étaient encore plus puissants. Les seules véritables distinctions étaient que les orcs pouvaient jouer avec le feu et le contrôler, mais ils n'avaient pas de pouvoir pour le créer et qu'ils étaient affreusement laids comparés aux elfes.

Lors de la première attaque, le roi avait demandé à ce qu'ils renforcent leurs troupes en retournant sur les terres de Braf et que les elfes de feu puisent dans la lave pour créer des nouveaux orcs à l'aide des os récupérés sur leurs soldats morts au combat. D'ici cinq jours, si tout se déroulait comme prévu, il aurait environ cinq cents nouveaux soldats dans ses rangs et sa vengeance était telle qu'il lui tardait de pouvoir retorquer pour enfin attaquer, ou plutôt écraser, les royaumes ennemis comme il se doit.

*

Lors du repas, Gorimi se rendit subitement compte d'une absence qu'il n'avait pas notifiée avant. Etant donné que son fils était rarement à sa table, il n'avait pas songé une seule seconde que cela devait en être différent pendant ce diner.

En effet, il n'avait pas oublié qu'il avait promis au prince un bal pour son anniversaire. Vu les circonstances, il n'était plus question d'organiser quoi que ce soit si ce n'est une revanche.

Il avala plusieurs gorgées de son vin et reposa sa coupe en or et rubis incrustés avant de tourner la tête vers Puerth.

— Où est Nolan ?

Le jeune elfe afficha un visage prostré, ses épaules s'affaissèrent, il regarda à tour de rôle sa mère et sa sœur avant de tourner à nouveau son visage vers le roi.

— Je suis désolé mon roi, mais il n'a pas voulu me suivre, il a expliqué que c'était là ma chance de lui prendre sa place que je devrais le laisser partir pour ne plus qu'il m'importune. Je l'ai laissé partir.

— Comment dis-tu ?

— J'ai été le cherché, il était à la recherche de son humaine et il m'a dit qu'il ne souhaitait pas me suivre pour se mettre à l'abri.

— Mais où est-il alors ?

— Il n'a pas été capturé, du moins pas à ce que je sache. Lorsque les troupes ennemies se sont mis en retraite, j'ai été faire le tour du palais, mais Nolan n'est pas ici. Deux soldats ont été dépouillés et ils m'ont confié qu'il s'était enfui par l'arrière du palais. Seulement, il n'était pas seul.

— Pas seul ? Le prince pense qu'il peut s'enfuir comme bon lui semble et de surcroît accompagné ? Qui aurait eu envie de quitter le palais à côté de ce misérable ?

Le roi tapa son poing sur la table, faisant sursauter Neigma et Pyjla qui baissèrent la tête sur leurs assiettes.

— Tu me déçois beaucoup Puerth, j'avais une grande confiance en toi et tu n'as pas respecté ma demande.

— Je m'excuse votre Majesté.

— T'excuser n'est pas ce qui va me ramener le prince !

Le jeune elfe de feu baissa à son tour la tête dans son assiette. Un long silence pesant se fit entendre jusqu'à ce que Gorimi éclate de rire, un rire simple et léger qui se transforma rapidement en fou rire. Ses épaules se mouvèrent de bas en haut, il posa une main sur son ventre et il s'accouda de l'autre main avant d'essuyer les larmes au coin de ses yeux. Personne n'osa rire avec lui, ni faire le moindre mouvement. Était-il possédé par la folie ?

Il essaya de reprendre son calme en soufflant à plusieurs reprises, il se releva et alla se positionner à côté de Puerth.

— Tu veux le trône ? Tu l'as laissé partir, parce que tu voulais le trône ? Mais tu n'es pas de sang royal. Et même si j'aurais aimé que tu sois mon fils plus que celui que j'ai actuellement, ce n'est pas possible. Tu vas aller me chercher le prince.

— Gorimi, coupa Neigma.

— C'est mon roi ou votre Majesté lorsqu'on s'adresse à moi ! pesta-t-il.

— Excusez-moi, mon roi. Mais Puerth ne peut pas aller chercher votre fils. Le prince est celui qui a voulu s'enfuir, laissons-le.

— Que je laisse mon fils ? un sourire narquois déforma son visage. Il est hors de question que j'abandonne Nolan, et vous savez pourquoi ? Parce que s'il refuse le trône, je veux le voir pourrir dans un cachot là où il regrettera pendant l'éternité de ne pas avoir su faire face à ses responsabilités ! Dès demain Puerth, tu iras retrouver ces gardes pour qu'ils t'indiquent où le prince s'est échappé, ensuite, tu te débrouilleras pour me le ramener.

Puerth serra la mâchoire, encore une fois il devait se plier aux caprices du prince, mais il jubila intérieurement car, rien ne lui ferait plus plaisir que de savoir le prince puni pour l'éternité.


*

Le Royaume de l'Emaya [MM]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant