Le Royaume de l'Emaya [MM]

Chapitre 32

Puerth n'avait finalement pas quitté le village, il était resté caché dans la forêt en attendant la bonne occasion de pouvoir se montrer.

Voir Nolan enfermé dans cette cage au milieu de la grande place du royaume ennemi avait quelque chose de jubilatoire. Le prince était faible, il n'avait pas les épaules pour régner sur un peuple et protéger un royaume. Si seulement Puerth pouvait régner sur l'Emaya, il prendrait un malin plaisir à faire de Nolan, sa chose.

Lorsque la nuit fût tombée et que le village s'endormit, Puerth s'approcha à pas de velours de la cage. Il l'observa quelques temps, allongé comme un fœtus sous une couverture épaisse. Un air de dégoût se dessina sur son visage quand il pensa que même sali par un autre elfe, le prince était toujours beau parce que oui, il ne l'avait jamais trouvé aussi laid qu'il voulait le faire croire. Et désormais qu'il observait ses lèvres entrouvertes, alors qu'il dormait profondément, il avait une furieuse envie de l'étreindre, mais il ne pouvait pas s'y résoudre à accepter ses sentiments, pour lui ils ne faisaient que le rendre faible et il n'y avait aucune place pour la faiblesse.

Il s'abaissa et passa son bras à travers les barreaux pour atteindre le visage de Nolan et retirer les quelques mèches brunes qui l'obstruaient. Le prince papillonna lentement des yeux avant de réaliser où il se trouvait et qui se positionnait en face de lui. Quand ses belles émeraudes croisèrent les rubis de l'elfe de feu il se redressa subitement.

— Puerth ? Mais qu'est-ce que tu fais là ?

— Ton père m'a demandé de te ramener au royaume de l'Emaya, c'est exactement ce que je compte faire puisque je ne faux pas à ses requêtes, jamais !

Puerth tendit le bras pour attraper le prince par le col et le coller contre les barreaux. Nolan posa ses mains autour de son poignet.

— Va-t'en !

— Tu me rejettes ? Alors que j'ai marché pendant des jours pour te retrouver. Tu sais Nolan, cela fait plusieurs jours que je t'observe. Tu crois que je ne t'ai pas vu essayer de t'accoupler avec cet elfe répugnant ?

Il le secoua fortement avant de passer son deuxième bras à travers la cage et de l'étrangler. Il rapprocha son visage du sien et son haleine chaude vint s'immiscer dans l'oreille de Nolan.

— Tu es à moi Nolan, je vais te sortir de là et tu vas me suivre. On fera comme si ta petite escapade n'avait pas existé. Tu épouseras ma sœur, tu seras forcé de lui faire des enfants pour prolonger la lignée royale, mais sache que le reste de ta vie, même si tu en es le roi, tu finiras par me servir parce que je suis bien plus puissant que toi. Grâce à moi les habitants de l'Emaya te suivront parce que je leur dirai de le faire. Et le soir quand tu dormiras paisiblement, je viendrai te rejoindre pour que tu puisses me remercier comme tu le devras en écartant les cuisses pour moi. Après tout, je t'ai vu, tu n'es qu'une prostituée, si ça se sait, tu seras la risée de tout le royaume. Personne ne veut de toi, personne ne t'aime, tu es un elfe faible et répugnant mais tu ne diras rien parce que tu auras trop honte d'être ce que tu es alors tu me laisseras te prendre jusqu'à ce que je me lasse de toi.

Le visage de Nolan rougit, pas seulement à cause des mains qui se serrèrent de plus en plus autour de son cou, mais parce que la colère était en train de prendre possession de son être et ses yeux changèrent de couleur. Puerth ramena son visage face au sien et il le plaqua contre les barreaux en le retenant par la nuque avant de poser violemment ses lèvres contre celles du prince. L'action coupa le souffle de Nolan qui essaya de se retirer de l'emprise mais Puerth le tenait fermement à la nuque. Lorsqu'il sentit la langue de l'elfe de feu se glisser entre ses lèvres, Nolan n'hésita pas une seule seconde, il le mordit, faisant hurler Puerth qui agrippa ses cheveux derrière sa tête avant de faire se cogner sa tête plusieurs fois contre les barreaux.

— Je ne serai jamais à toi ! Tu es aussi abjecte que mon père, vous ne méritez pas l'Emaya !

— Tu crois que tu le mérites plus que nous ? Tu n'as pas de pouvoir, tu es faible et en plus tu aimes les hommes, tu n'as aucune crédibilité en tant que souverain !

— Je suis le digne descendant de Malya qui était la princesse de l'Emaya, mon père n'était qu'un habitant de Roweth sans royauté. Il n'a eu ce royaume que grâce à elle !

L'elfe de feu ne fut pas capable de répondre qu'il se retrouva avec les pieds attachés dans les ronces de la cage. Les yeux violets de Nolan ainsi que ceux rouges de feu de Puerth se tournèrent dans la même direction. Teddy s'approcha d'un pas rapide pour intervenir.

— Qui êtes-vous ? demanda-t-il à l'attention de Puerth.

Ce dernier lui lança un sourire narquois avant de réduire les ronces en cendres.

— Je suis celui qui donnera à Nolan la possibilité de régner sur son royaume comme il se doit et qui est venu le libérer de votre royaume désastreux.

— A condition qu'il soit docile c'est bien ça ?

— Plutôt perspicace pour un elfe de la terre.

— Vous n'étiez pas réellement discret lorsque vous l'avez menacé.

— Je ne vois pas en quoi cela vous regarde.

Puerth envoya une énorme flamme en direction de Teddy mais celui-ci se protégea à l'aide d'un bouclier de feuilles. Le blond tendit la main et des racines s'emmêlèrent autour du corps du noiraud. En un claquement de doigt, les racines s'enflammèrent pour se consumer et devenir à leur tour poussière.

— Tu devrais partir et faire comme si tu ne m'avais jamais vu si tu tiens un peu à ta vie. Tu vois bien que je suis plus puissant, je peux te réduire en poussière.

— Puerth ! Ne fais pas ça ! cria Nolan.

Le prince s'agrippa aux barreaux de sa cage et il regarda le blond avant d'octroyer un regard désemparé à l'elfe de feu.

— Comme c'est pitoyable ! Nolan tu vois comme tu es faible et pour quoi ? Un elfe de la terre ?

Puerth se mit à rire sarcastiquement, il ne supportait pas que le prince soit faible pour quelqu'un d'autre et encore moins à cause de l'ennemi. Nolan avait l'air perdu et regardait tristement Teddy qui lui ne lâcha pas des yeux l'elfe de feu.

— Et pourquoi je devrais t'écouter ? questionna Puerth.

— Si tu le laisses... Je promets de te suivre, admit Nolan, abattu.

— Et tu promets aussi de faire tout ce que j'ai dit ?

Les larmes lui montèrent aux yeux, il regarda Teddy un instant, il représentait cette ellipse de bonheur qui l'avait effleuré quelques minutes, quelques heures. Cette liberté, cette joie, ce sentiment incroyable qui brûlait au fond de lui et qu'il ne pourrait jamais avouer. Il n'avait pas su comment réagir après la nuit qu'ils avaient passé ensemble, il avait pris peur. Depuis qu'il était jeune on lui avait répété que les sentiments ne devaient pas nous contrôler parce qu'ils nous affaiblissent et Nolan à cet instant était encore plus faible que n'importe qui. Les gouttes salées finirent par couler le long de ses joues, il murmura un « je suis désolé », que Teddy parvint à comprendre sans entendre. Le brun baissa la tête. Il n'était pas né pour régner, encore moins pour être heureux, il était né pour souffrir de la plus atroce des manières dans une vie et un royaume qu'il n'avait pas choisi.

— Nolan, je ne t'ai pas entendu ? insista Puerth.

— Oui, tout, souffla-t-il.

Puerth tendit la main et la flamme qui en sortit fit fondre automatiquement le cadenas de la cage, libérant ainsi Nolan. Le prince sortit de sa cage, permettant à l'elfe de feu de faire fondre ses chaines, non sans le blesser puis qu'il grimaça lorsque les flammes caressèrent sa peau. Teddy tendit la main et des centaines de branches et de feuilles vinrent taper contre Puerth. Le noiraud releva la tête et le feu qu'il déclencha par ses mains emporta Teddy qui retomba au sol deux mètres plus loin en tapotant les flammes sur ses vêtements.

— Puerth ! Tu avais dit que tu le laisserais !

Nolan se précipita sur Teddy pour l'aider à se redresser mais le blond refusa son aide. Il tendit la main et Puerth se retrouva enterré jusqu'aux épaules, incapable de bouger, l'air menaçant toujours placardé sur son faciès.

*