*2*

384 16 0
                                    

5 ans plus tôt... 2019

PDV Gabriel

J'arrivais de justesse à l'aéroport accompagné de mon conseiller. Nous avions un rendez-vous important à Marseille pour le travail. Depuis que j'étais porte-parole du gouvernement, mes journées étaient rythmés par des déplacements, des réunions, des entrevues, des interviews... je n'avais presque plus le temps pour moi mais j'étais passionné par tout ce que je faisais. 

- Ça ne te dérange pas si je te laisse pour la durée du vol ? J'ai besoin de piquer un petit somme, me demanda Max, alors qu'on s'installait dans l'avion.

- Pas de soucis, repose-toi, le vol ne sera pas très long donc profites-en. 

- Merci Gabriel.

Il posa à peine la tête près du hublot qu'il sombra rapidement. Le pauvre... il était bien fatigué. C'est vrai que nous avions eu des journées chargées dernièrement. Je commençai à me demander si je ne devais pas me reposer moi aussi quand une personne attira mon attention.

Je l'avais déjà vu quelque part... Grand, bien sapé, les cheveux courts. Il avait l'air anxieux. 

Nos regards se croisèrent et il eut l'air surpris de me voir. Après tout, je n'avais pas une tête à passer inaperçu, généralement on me reconnaissait. 

Il eut un petit sourire comme s'il s'amusait d'une blague privée et cela intrigua ma curiosité. 

Après le décollage, je changeai de place car Max se rapprochait un peu trop de mon épaule et je m'installai sur le siège à l'arrière, à l'opposé d'où j'étais. Je pouvais mieux admirer le paysage comme ça. Sauf que mes yeux se fermaient  après quelques minutes : je repensais à ces moments où, plus jeune, j'avais encore le temps de rêvasser et aussi à ces moments à la fac où je pouvais jouer du théâtre et trainer avec mes amis. Je pensais également à mon chien que j'avais laissé avec ma soeur le temps de mon déplacement... Puis des souvenirs flous, comme la mer, des visages... je fronçais les sourcils quand l'époque du collège-lycée revint dans mon esprit : je n'avais pas envie de repenser à ces harcèlements.

Je sentis un parfum envoûtant me chatouiller les narines et une présence près de moi. Je sursautai : 

- Je suis désolé, je ne voulais pas vous effrayer... dit une voix basse, voilée.

C'était le mec de toute à l'heure. Celui qui me disait quelque chose.

- Ce n'est rien, répliquai-je avec un petit sourire. Euh... il me semble vous avoir déjà vu quelque part non ?  risquai-je prudemment.

Il esquissa un rire, un peu gêné.

- Ça dépend mais oui il est possible que vous m'ayez déjà vu, Monsieur Attal.

Il est évident qu'il connaissait mon nom mais malgré tout cela m'étonnait. Enfin, toute la situation me semblait déconcertante, cela m'échappait. 

- Vous êtes jeune, réalisai-je, vous travaillez dans le commerce ? Le marketing ? Vu votre smoking vous pouvez tout aussi bien travailler dans les bureaux... 

- Vous êtes bien curieux, nota-t-il, avec un ton assez arrogant.

Je fus un peu piqué dans mon égo et répondit, acerbe : 

- Ce n'est pas moi qui suis venu à côté de vous, alors ne vous plaignez pas si je vous fais la conversation... Monsieur ... ? 

J'attendais qu'il complète avec son nom. Mais il sourit de plus belle.

- Vous êtes contrarié, et c'est de ma faute, je m'en excuse. 

- Je le serais bien moins si vous me disiez qui vous êtes, contre-attaquai-je, en levant les yeux au ciel.

Pourquoi tant de mystère sur son identité ?

- Vous me connaissez car je suis dans la politique comme vous, dit-il, d'une voix plus basse.

Je plissai les yeux, essayant de le situer. Puis je me rappelais l'avoir vu avec... Marine Le Pen. Il était dans son parti. Jordan Bardella. 

- Ah oui maintenant que vous le dîtes... Je me souviens.

Un petit malaise s'installa entre nous après cette constatation. 

- Préférez-vous que je m'en aille... ? 

Il semblait intimidé et hésitant, se préparant à repartir à sa place. Il croyait sûrement que je le voyais autrement maintenant que son identité fut révélé.

- Non, nous pouvons discuter, ne vous inquiétez pas, le rassurai-je.

Soulagé, il hocha la tête. C'était bizarre... j'avais encore la drôle sensation de l'avoir déjà rencontré quelque part.

- Vous êtes jeune vous aussi, remarqua-t-il.

- Oui c'est vrai, c'est un choix de carrière qui est arrivé comme ça sur mon chemin. Puis, de fil en aiguille, tout s'est enchaîné et j'ai saisi les opportunités. Et vous ? 

- Moi, je me suis engagé très jeune. C'était un choix purement réfléchi puis je voulais vraiment me spécialiser dans un seul domaine et j'ai eu de la chance d'avoir su très tôt dans quoi je voulais aller.

- Plutôt avec qui, le taquinai-je. 

Il rougit un peu et cela me plut. Nous échangêames sur la politique un moment puis...

- De toute façon, je suis trop épuisé pour débattre avec vous sur nos choix politiques, alors ne vous inquiétez pas, repris-je, nerveux. Nous ne sommes pas d'accord sur certaines choses mais on peut au moins discuter simplement, qu'en dîtes-vous ?

- Avec plaisir. 

- Une boisson messieurs ?  Du vin ? Du café ? 

Une gentille hôtesse nous servit : pour moi c'était de l'eau et pour mon acolyte du coca. Elle nous sourit poliment puis partit.

- Le coca n'est pas très bon pour la santé, dis-je alors qu'il vidait le sien d'un trait.

Provocateur, il reprit son verre et allait en rechercher, non sans m'avoir envoyé un grand sourire.

- Pédant mais mignon, marmonnai-je lentement, en le voyant s'éloigner. 

Je vérifiai que Max dormait toujours et oui, il s'était presque avachi sur les deux sièges. S'il savait avec qui je discutais... je ne pus m'empêcher d'étouffer un rire. 

Qui s'effaça rapidement en apercevant l'autre avec son coca.

Il s'installa, triomphal. Je soupirai : il était assez énervant sur plusieurs aspects quand même.

- Santé, dit-il, en prenant une gorgée.

Je le fusillai du regard et il toussa subitement : il avait dû avaler de travers. Il continua de tousser et posa son verre alors que je tapotai avec amusement dans son dos. 

- Je vous avais bien dit que le coca n'était pas bon pour la santé, affirmai-je, avec victoire.

Il tourna ses yeux larmoyants vers moi.

- N'en rajoutez pas s'il vous plaît, dit-il en s'éclaircissant la voix.

Il m'amusait et je pris un moment à le contempler, le temps qu'il reprenne ses esprits. Il avait un beau profil, ses cheveux étaient soignés, il avait deux petits grains de beauté sur le visage, c'était mignon. 

Il dut sentir mon examen car il m'étudia à son tour.

Il avait des longs cils, vu de près, qui encadraient des yeux marrons, sur la retenue. Et des lèvres pleines qui cachaient un joli sourire. Il avait le physique c'est vrai.

- Et si on parlait un peu de votre notoriété Monsieur Attal ? 

Il avait ce talent particulier de sourire avec les yeux tout en gardant une petite moue avec ses lèvres.

Il avait aussi le charme, je devais le reconnaître.

* * * 

(à suivre...)

Parti pris pour l'amour - Bardella X AttalOù les histoires vivent. Découvrez maintenant