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PDV Gabriel

J'étais dans le noir complet, les yeux rivés vers le plafond de ma chambre. Comme beaucoup d'autres soirs depuis des semaines. Dans moins d'une heure, je devais me préparer pour aller à la crémaillère de Max et Charlotte. J'étais content pour eux, leur relation devenait de plus en plus sérieuse. Tout se passait relativement bien au travail, Monsieur le Président appréciait mon travail et cela me passionnait toujours autant : de rencontrer les citoyens français, de pouvoir mettre en place des projets, de donner le meilleur de moi-même. J'avais repris Volta avec moi, elle avait comblé la solitude qui d'ordinaire pesait dans cet appartement. 

Malgré qu'autour de moi, le monde continuait de tourner, je restais figé. Bloqué dans ces souvenirs avec Jordan Bardella. Ils étaient peu nombreux, et la plupart était lors des entretiens, des débats.. mais les plus importants s'étaient produits avec la complicité de la nuit, chez l'un et chez l'autre, par des rencontres hasardeuses de la vie...

Parfois je me laissais à imaginer sa réaction lorsqu'il avait trouvé la lettre: Était-il surpris ? Soulagé ? Outré ? Est-ce que sa mémoire ne lui avait pas fait défaut à cause de l'alcool ? Se rappelait-il de nos confidences, de notre proximité ? Sentait-il encore cette connexion qui nous avait transcendé tous les deux ? Finalement... était-il soulagé ? Déçu ? Et pour mon cadeau... l'avait-il aimé ? 

Je me posais d'innombrables questions, je n'avais plus de nouvelles de sa part, hormis via les réseaux. J'avais restreint son compte pour tenter de moins penser à lui mais mon coeur me le rappelait constamment. 

Comme j'aurais aimé l'apercevoir en cet instant... 

Je me fis violence et me préparai pour aller chez mes amis. Il ne me restait qu'à me changer. J'optai pour une chemise bleu nuit et un jean noir. 

Je me regardais dans le miroir un moment. J'aperçus de la tristesse dans mes yeux même si je me forçais à afficher une expression joyeuse. 

Soudain, j'eus la vision de Jordan qui m'enlaçait en posant son menton sur mon épaule. Il me regardait par dessous ses cils tandis que sa bouche s'étira en un sourire éclatant. Il resplendissait de mille feux dans mon esprit.

- Jordan...

Je n'osai dissiper l'illusion tellement il me manquait. J'avais l'impression de le connaître, comme s'il avait déjà fait partie de moi. Parfois quand je regardais ses vidéos, je ne pouvais m'empêcher d'anticiper ses réactions. Il avait beau être un peu plus jeune que moi, il assimilait plus vite les codes dans le domaine. Je me réjouissais de le voir s'épanouir dans ce qu'il faisait.

J'étais à la limite de tomber complètement amoureux de lui. Ce qui me freinait était certes ma raison mais le fait que de son côté, il ne pourrait ressentir pour moi ce que je ressentais pour lui. Je savais qu'il m'estimait mais ce n'était pas suffisant. Je ne devais pas oublier les caractéristiques déplaisants de son parti et l'homophobie y avait sa place. Il y avait davantage de barrières que d'espoir entre nous...

J'inspirai profondément et sortis de la salle de bain. Je dis au revoir à ma chienne qui dormait paisiblement, mis mes chaussures et verrouillai soigneusement la porte. J'avais emporté du bon vin, ils seraient contents je pense...Je m'apprêtai à prendre l'ascenseur quand j'eus un doute...

Avais-je bien fermé la porte ?

Je savais que oui mais je repartis quand même vérifier. J'avais l'air con sur le pallier à vérifier qu'on ne pouvait pas ouvrir de l'extérieur. Je me retournais plusieurs fois d'ailleurs pour me rassurer puis convaincu, j'allai vers l'ascenseur. Je caressai machinalement mon porte clé préféré durant la descente, essayant de penser à autre chose...

Leur appartement était à environ 15 minutes à pieds maximum. Je me tâtai à y aller à pieds justement. Il faisait plutôt bon à l'extérieur. Certes, il y avait des gens. La plupart était tellement pressé qu'ils ne me calculaient même pas donc ce n'était pas un problème. 

Je marchai donc, profitant de l'ambiance du crépuscule après avoir mis mes écouteurs : en ce moment j'écoutai Tatoo de Loreen. Cette chanson représentait bien ma situation actuelle... 

 Quelques minutes plus tard, j'eus la drôle de sensation de me sentir surveillé. J'observai les alentours mais personne n'avait l'air de faire attention à moi. Ah si... un groupe de jeunes gens me faisaient de grand signe de la mains, dans la rue en face,  attablés à une terrasse. 

- Monsieur Attal ! 

- Gabriel, on taime ! 

- Vous êtes le meilleur, Monsieur ! 

Je les saluai, touché par leur enthousiasme. Quelques-uns vinrent me voir et  je fis un signe de main en forme de coeur pour leur photo.

- Merci, vous êtes super ! 

- La classe ! Wah vous êtes super beau ! 

- Bonne soirée Monsieur Attal ! 

Ils repartirent à leur table, totalement surexcités. Je n'étais pas une star mais quand même... Cela allégea un peu mon coeur et je continuai mon trajet. 

Plus je me rapprochais de ma destination, plus cette sensation d'être épié se renforçait. C'était étrange... je ne voyais personne pourtant... 

- Gaby !! 

Charlotte m'interpellait de l'étage où elle était. D'ailleurs Max se joignit  à elle.

- Coucou ! Entre, on arrive ! s'exclama-t-il. 

Je ne pus me retenir de dévier le regard vers une présence dont je n'avais pas perçu l'existence... jusqu'à cette seconde. 

Un homme était de dos et disparaissait à l'angle de la rue... Cette posture... Je la connaissais... C'était...

- Gaabriel bonsoir ! Ben... qu'est-ce qui se passe ? Tu n'entres pas ? me surprit Charlotte, soucieuse.

- Euh si... si... désolé j'étais perdu dans mes rêveries... 

Non... ça ne pouvait pas être lui... je divague comme précédemment dans la salle de bain.

- Ça ne change pas de d'habitude, allez viens, dit-elle, la main sur l'épaule, me guidant gentiment... Bienvenue chez nous !  

- Salut Max ! dis-je, en souriant.

C'était très cosy chez eux et tout mignon. Ils étaient des hôtes bienveillants et comme je l'avais prédit, il furent enchantés du vin que j'avais ramené. Ça me faisait du bien de converser avec eux et d'oublier pendant un moment la blessure béante de mon coeur.

* * * 

Loreen - Tatoo

Il est temps de dire au revoir
Jusqu'à ce que nous nous retrouvions
Parce que ce n'est pas la fin
ça viendra un jour

Quand nous trouverons notre chemin
Les violons jouent et les anges pleurent
Quand les étoiles s'aligneront, alors je serai là
Non, je m'en fiche de tous


Parce que tout ce que je veux c'est être aimé
Et tout ce qui m'importe, c'est toi
Tu es collé sur moi comme un tatouage
Non, je m'en fiche de la douleur


Je marcherai à travers le feu et sous la pluie
Juste pour me rapprocher de toi

* * * 

Parti pris pour l'amour - Bardella X AttalOù les histoires vivent. Découvrez maintenant