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Réminiscence d'une vie antérieure :

La nuit était tombée sur le royaume, un voile d'encre étendu sur la cité endormie. Les étoiles, éclats discrets dans le ciel, éclairaient à peine les remparts du château.

Le prince Gabriel, vêtu d'une simple cape pour échapper aux regards indiscrets, quitta les murs austères de son palais, laissant derrière lui les draps froids de son mariage imposé. Ses pas le menèrent vers l'orée du royaume, là où les soldats faisaient leur ronde. Et c'est là qu'il l'aperçut, comme toujours, fidèle à sa tâche.

Le chevalier Jordan.

Sa silhouette imposante se détachait dans l'ombre, l'armure scintillant faiblement sous la lumière des torches. À la vue du prince, son regard s'adoucit. Les mots n'étaient plus nécessaires entre eux. Ils avaient depuis longtemps dépassé les simples échanges formels entre un prince et son protecteur. Le prince esquissa un sourire discret, et sans un mot, Jordan abandonna subtilement sa patrouille pour rejoindre son bien-aimé.

Ils prirent leurs chevaux, deux étalons noirs comme la nuit, et galopèrent loin du château. Leurs cœurs battaient à l'unisson, non pas de peur d'être découverts, mais de la liberté grisante que ces rares moments leur offraient.

Sous la voûte étoilée, chaque foulée des chevaux était une échappée hors des chaînes qui les retenaient captifs de leurs rôles. Le vent frais caressait leurs visages, et pour un instant, il n'y avait plus de royaume, plus de devoirs, plus de secrets à garder...

Arrivés en haut d'une colline qui surplombait la vallée, ils stoppèrent leur course effrénée. Le souffle court, ils descendirent de leurs montures, les yeux perdus dans l'immensité qui s'étendait à leurs pieds.

Là, sur cette colline, le poids de la couronne et de l'honneur chevaleresque semblait s'effacer. Seuls restaient Gabriel et Jordan, deux hommes épris, seuls dans le silence nocturne.

Le prince s'approcha de Jordan, ses mains tremblantes de désir et de crainte.

« Je ne peux plus le supporter », murmura-t-il, la voix brisée par le fardeau de ses secrets. « Je suis lié à elle par les lois, mais c'est à toi que mon cœur appartient. »

Jordan, les yeux baignés d'une tendresse infinie, prit le visage de Gabriel entre ses mains rugueuses, marquées par des années de combat.

« Mon prince... » murmura-t-il, ses lèvres à quelques centimètres de celles de Gabriel. « Je t'ai juré fidélité et protection, mais ce qui me lie à toi dépasse tous les serments que j'ai prêtés. Je te suivrai jusqu'au bout du monde, mais... »

Il baissa les yeux, son souffle se mêlant à celui du prince. « Nous savons tous les deux que cet amour ne peut éclore à la lumière du jour. »

Leurs lèvres se trouvèrent, d'abord timidement, puis avec une passion retenue trop longtemps.
Chaque baiser était un acte de rébellion contre le destin qui les séparait.
Le temps sembla s'étirer, comme s'ils pouvaient le suspendre, figer cet instant hors de la réalité.
Mais la réalité finit toujours par s'imposer.

Le craquement d'une branche.
Un murmure dans l'obscurité.

Ils se détachèrent brusquement, le cœur battant. Là, au pied de la colline, un garde les observait, l'expression choquée et accusatrice.

« Non... » murmura Gabriel, le désespoir montant en lui comme une vague.

Jordan, sans un mot, se plaça instinctivement entre le prince et la menace, prêt à affronter le monde entier pour protéger cet amour interdit.
Mais il savait.
Ils savaient tous les deux que la lutte était vaine.

Parti pris pour l'amour - Bardella X AttalOù les histoires vivent. Découvrez maintenant