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(PDV Jordan)

- Gabriel ? 

Je n'eus même pas la force de me le lever. J'étais abattu par la réalité.  

Il m'étudia avec intensité, gardant le silence. L'image de Gabriel avec son Stéphane m'aiguisa de nouveau le coeur comme une lame de rasoir.

- Va-t-en, soufflai-je, presque inaudible, rivant mes yeux au sol, ne pouvait soutenir davantage ce duel de regard.

- Je ne partirai pas tant que je ne t'aurais pas dit clairement ce que je pense, annonça-t-il, fermement.

- Va dire ce que tu penses à ton ex et lâche-moi ! Il n'y a rien à dire, les actes parlent d'eux-mêmes ! explosai-je, trouvant la force de me remettre sur pieds et de m'éloigner de lui. 

J'ignorai où j'allai mais je devais m'éloigner. Je n'avais plus toute ma raison quand il était proche de moi et il était vital que j'en garde ce soir. J'avais vu ce que je devais savoir : il aimait toujours son ex.

- Tu peux t'en aller je te suivrai jusqu'à ce que tu m'écoutes, s'entêta-t-il, avec une once de fureur dans la voix.

Non mais je rêve ? Il était en colère contre moi ? Je n'aimais pas ce sentiment d'injustice, cela me donnait envie de me défendre car il était évident que c'était moi la victime dans l'histoire. 

Je ne l'avais pas remarqué : c'était la pleine lune ce soir. Nous étions assez éloignés de la salle : la musique assourdissante n'était plus qu'un écho lointain désormais.

- Tu comptes participer au JO de marche à pieds ? reprit-il, arrivant à ma hauteur. 

- Épargne-moi ton sarcasme et arrête de me suivre Gabriel ! 

- C'est vrai que je devrais m'éloigner des menteurs et hypocrites, lâcha-t-il, avec dédain. 

Je me stoppai net, inspirant bruyamment pour me contrôler. C'était peine perdue :

- Tu te fiches de moi ? 

Je lui fis face, exaspéré et déçu d'entendre ces mots durs. Il tressaillit légèrement face à mon regard perçant et recula de d'un pas.

- Répète ce que tu as dit pour voir ? fulminai-je. 

Il n'en fit rien. À la place, je lui pris délicatement le poignée et l'amenai un peu plus loin, à l'abri. L'obscurité nous dissimulait davantage ici. 

- Pourquoi tu me fais venir ici ? demanda-t-il, avec des trémolos dans la voix.

Je souris avec arrogance. Il voulait me parler ? Soit, mais moi aussi j'allais lui dire ses quatre vérités.

- Je vous écoute Monsieur le professeur, vous avez la parole, dis-je de manière théâtrale, laissant de la distance entre nous pour mieux me concentrer.

Il semblait décontenancé par mon comportement. J'avais l'impression d'être dans un mauvais vaudeville : c'était moi qui l'avais surpris avec Stéphane merde ! 

- Je vais commencer finalement, lançai-je, le ton grave. Tu prétends que je suis malhonnête ? Ce n'est pas moi qui donne de l'espoir à quelqu'un pour mieux le décevoir par la suite ! C'est comme ça que tu fonctionnes ? Tu donnes de l'espoir pour mieux décevoir ? J'ai attendu un signe de toi, c'est toujours moi qui viens vers toi et au lieu de cela, je te vois ce soir dans les bras de ton ex, à croire que j'ai complètement disparu de ton existence ! Il y a quelque jours de cela nous étions proches, tu as dit des des mots qu'on ne peut pas oublier, et là... je... 

La haine laissait la place à la souffrance. Elle, je ne pouvais pas la dominer...

- Jordan... ce n'est pas ce que tu crois, commença-t-il, prudent.

- C'est bien ce que j'ai vu Gabriel, insistai-je, priant pour qu'il ne remarque pas ma peine dans mes yeux.

Il avança d'un pas vers moi, voulant me toucher mais il changea d'avis, préférant clamer :

- Tu dis que tu as attendu un signe de ma part mais moi aussi. J'ai vu l'article avec ton ex. Tu es capable de sortir avec elle alors que ça prend même pas 30 secondes à me donner de tes nouvelles. Tu es capable d'être proche d'elle alors qu'on a partagé quelque chose de spécial tous les deux. Tu joues sur deux tableaux Jordan et je déteste ça. Je te l'ai dit, je ne suis pas un jouet que tu peux manipuler à ta guise. Il n'y a plus rien avec Noélie ? Alors pourquoi elle t'embrasse comme ça ? On ne fait pas ça quand on est amis avec quelqu'un ! Donc tu sais quoi ? Je ne te crois pas quand tu me dis que ça t'a touché de me voir avec Stéphane, en tout cas, pas pour les bonnes raisons : la vérité est que ça te plait d'avoir de l'ascendant sur moi et c'est tout ! Sauf que cette fois c'est fini Jordan, je ne vais plus permettre ça !

Sa colère dominait la mienne, et je ne sus que rétorquer face à ses paroles. Mon coeur n'était plus qu'une grenade : elle allait exploser si je le perdais. 

- Je ne suis pas intéressé par elle, certes elle m'a fait comprendre qu'elle voulait plus mais...

- Stop ! je ne veux rien savoir de plus ! me coupa-t-il, sèchement. Jordan je ne veux rien savoir de plus ! Je ne te fais pas confiance  ! Comment le pourrai-je alors que tes idéologies sont si contraires aux miennes ? Nous sommes opposants et nous resterons opposés dans ce monde, c'est ça, la réalité.

Enième coup au coeur. Et si ce-dernier arrêtait de battre ? Comme ça, ça nous arrangerait tous les deux...

- Tu ne sais pas ce que tu dis, tu as peut-être pris trop de verres, je ne crois pas que tu sois... dis-je, percevant le désespoir dans ma voix.

- J'ai l'esprit très clair ne t'en fais pas, siffla-t-il, avec mépris. Je ne peux plus supporter cette situation, il vaut mieux qu'on ne se voit plus...

Il se détourna, comme s'il n'arrivait plus à me faire face.

- Gabriel... attends ce ne sont que des malentendus. On doit parler, je ne feins pas, même si les circonstances peuvent démontrer le contraire... je t'en prie. Reste avec moi. 

Je mettais ma fierté de côté et ça me coutait, surtout en me remémorant son rapprochement avec Stéphane. Mais, il pensait la même chose de moi et Noélie alors que c'était faux. Je priai pour que ça fut vraiment le cas de son côté aussi : que c'était Stéphane qui était venu vers lui et non l'inverse. 

- Je vais y aller au revoir Jordan... souffla-t-il, faussement déterminé.

Il allait partir mais je le retins fermement en l'enlaçant contre moi.

- Reste avec moi, Gabriel. 

* * * 

*Mazzy star - fade into you

Je veux t'atteindre au plus profond
I want to take a breath that's true
Je veux prendre un souffle qui soit vrai
I look to you and I see nothing
Je te regarde et je ne vois rien
I look to you to see the truth
Je te regarde pour voir la vérité*

Parti pris pour l'amour - Bardella X AttalOù les histoires vivent. Découvrez maintenant