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PDV Jordan 

J'étais dans le flou total. Après ma confrontation avec lui, j'étais déconnecté du reste. Même de ma relation actuelle. Nous avions eu elle et moi une longue discussion ce soir-là et nous avions convenu de mettre un terme à notre histoire. Elle aussi sentait qu'elle n'arrivait plus à se projeter avec moi et même si nous étions tristes, nous savions tous deux que ce serait pour le mieux. Nous avions fait le deuil depuis quelques mois déjà mais seulement aujourd'hui nous avions eu le courage d'en parler, d'où le fait que la séparation était moins compliquée. Nous avions convenu de rester amis. Au fond de moi je me sentais soulagé car j'étais totalement désorienté et il fallait que je garde un cap clair pour la suite de la campagne. Elle allait partir en vacances bientôt pour se retrouver mais elle m'assura de continuer à me soutenir dans ma carrière. C'était une fille en or, j'espérais du fond du coeur qu'elle trouverait son bonheur.

J'essayais de ne pas trop penser à Attal dans les jours qui suivirent mais son expression trahie ne cessait de revenir dans mon esprit lors des réunions, des préparations, surtout lorsqu'on parlait de son parti. 

"Vous êtes hypocrite". Ses mots continuaient de me hanter tout le reste de la semaine. Je me demandais vaguement s'il avait gardé le porte-clé, au fond de moi je l'espérais.

* * * 

Le prochain débat serait à quatre et bien sûr il serait présent. J'avais le trac en sachant que j'allai dans quelques minutes me confronter à mes trois opposants. Sauf que j'avais l'impression que cette nervosité n'était pas complètement lié à ce débat mais au fait de le revoir...

- Tu es prêt Jordan ? me demanda gentiment Marine. 

- Oui Madame, lui répondis-je d'un ton mi-moqueur, mi sérieux.

- Bon courage Jordan ! me dit mon ex, avec une tape dans le dos.

- Merci ! 

Un membre de l'équipe télé entra dans la loge après quelques petits coups sur la porte.

- Monsieur Bardella, pardon mais vous devez me suivre, le débat va bientôt débuter.

J'acquiesçais et pris une posture droite et affirmée. J'avais de l'allure je le savais mais mon pouls perdit toute mesure en voyant que les autres invités étaient déjà présents. Sauf Gabriel Attal. Je les saluai donc avec politesse.

Tout en m'installant, je laissai le soulagement m'envahir : je préférais arriver avant lui. Soudain, je sentis mon coeur s'emballer encore une fois. Je compris réellement que ce n'était pas simplement le trac pour le débat mais bel et  bien d'un autre sentiment qui ne demandait qu'à s'exprimer. Je secouai la tête refoulant cet élan avec force et me ressaisis en adaptant ma posture.

Mon regard se porta instinctivement vers Attal qui fit son entrée avec assurance, un petit sourire aux lèvres, saluant les personnes autour de lui. Malgré moi, je me laissai submerger par l'émotion en réalisant qu'il venait vers moi. Je tentais de ne rien laisser paraître mais j'étais bouleversé en repensant à sa colère de la dernière fois. 

- Bonsoir, me dit-il, froidement, en me tendant néanmoins la main par courtoisie.

Surtout qu'il y avait des témoins autour.

Je lui répondis "bonsoir" en lui serrant la main et on se lâcha très vite en sentant littéralement un picotement électrique.

Nous détournâmes rapidement le regard, feignant l'indifférence tandis qu'il prenait place près de moi.  Après tout, il ne restait que celle-là alors... il n'avait pas trop le choix.

- C'est parti, on va commencer, déclara la journaliste en nous regardant tour à tour. 

* * * 

PDV Gabriel

Je gardais une concentration maximale pour ce débat : je voulais exceller dans mes propos et surtout je ne souhaitais absolument pas qu'on puisse être plus convaincant que moi. Comme d'habitude Bardella aimait bien couper la parole, mais je ne me laissais pas faire. Il m'insupportait avec sa voix et ses regards en coin. Je savais que mon visage était expressif alors je tentais de garder la face. Maintenant c'était au tour de Madame de me confronter.

- A quel prix Monsieur Attal ? clama-t-elle.

-  Je la trouve très dure, je trouve Mme Autain, pardonnez-moi très dure avec Monsieur Attal alors que quand on a voté pour Emmanuel Macron on ne peut pas... riposta Bardella, avec rudesse.

La fin fut floue tant j'étais surpris de son intervention. Qu'est-ce qui lui prenait... ? Il avait oublié qu'on devait débattre ou... ? 

Il m'épia furtivement mais je détournais les yeux. J'en revins ensuite à mes arguments, tandis qu'une chaleur me consuma en émettant l'idée qu'il avait été agacé des dires d'Autain à mon égard. On ne pouvait s'empêcher de se confronter lui et moi en répétant que l'un coupait l'autre et mon je dérivais souvent sur les gestes de ses mains en face de moi. 

- Ce qui nous différencie Monsieur Bardella..., commença Eric d'une voix austère.

- Oui Monsieur Ciotti, dit Bardella, d'une voix douce et veloutée.

Malgré moi, je tournai la tête vers lui, sentant une pointe de frustration en le voyant s'adresser de cette façon à Ciotti. J'inspirai longuement, en laissant l'émotion aller. Que m'arrivait-il ?

* * * 

PDV Jordan 

Quand j'avais vu qu'Autain s'adressait de cette manière à Attal, mon sang ne fit qu'un tour et je ne pus m'empêcher de dire ce que je pensais. C'était une erreur certes, je n'avais pas pu me retenir. Je fis profil bas pour le reste du débat et agissais comme je devais le faire. Attal cette fois-ci me coupa aussi la parole et cela m'amusait au fond de moi. À un moment, j'ai senti son regard sur moi lorsque je m'adressai à Ciotti et je devais avouer que ça me gênait de savoir qu'il me regardait. 

"Vous êtes hypocrite" . 

Je relâchai la pression quand la journaliste marqua la fin du débat et j'en profitais pour toiser Attal avant de retourner dans ma loge. Il était en conversation avec elle et je ne pus m'empêcher d'admirer son sourire. 

- Merci Monsieur Bardella, bonne soirée à tous, lança-t-elle.

Je suivis les deux autres qui partaient, sans avoir eu le courage d'affronter Attal cette fois avant de partir. 

* * * 

Parti pris pour l'amour - Bardella X AttalOù les histoires vivent. Découvrez maintenant